17- Locked Away

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La première chose que je remarque au réveil, c'est que je ne suis pas dans ma chambre et qu'en prime, j'ai dormi par terre. Je me redresse et voit Trafalgar, dans son lit, dans sa couette me regarder.

- Bonjour Capitaine.

- Bonjour Miss. Bien dormi ?

- Toujours. J'adore la moquette.

Je serre les dents et souffle doucement avant de sentir les larmes me monter aux yeux. J'arrive à les ravaler et demande la permission au capitaine de lui emprunter sa salle de bain. Il hoche la tête et me fait signe d'y aller.

- Ce qui est bien avec toi c'est que vu qu'il m'en « manque pour te plaire », tu ne risques pas de m'espionner.

Il me rend un sourire narquois et se rallonge. J'ai récupéré au passage le dial sur lequel Penguin à très gentiment mis toute les chansons que j'avais sur mon téléphone. Je lance la musique et allume l'eau. Je ne sais pas si c'est la voix d'Adam Levine ou les paroles de Locked Away mais je me sens brusquement mal. Je ne comprends pas ce que j'ai fait de mal ! Pourquoi je n'ai plus ma place parmi mes parents ? Pourquoi est-ce que Jack n'est plus là ? Pourquoi est-ce que la maison qui me donnait envie de fuir me manque sans que j'ai envie d'y retourner ? Pourquoi toutes mes angoisses me reviennent si brusquement. Que je retourne dans mon monde ou que je reste ici, quel sera mon avenir ? Je ne suis pas grand-chose, à deux je me sentais entière, complète, forte. Maintenant que je me retrouve là, je ne sais plus vraiment ou j'en suis ou qui je peux bien être. J'ai beau pas mal cogiter je n'arrive pas à prendre de décision, ce n'est pas faute d'avoir fait de l'inverse ma règle d'or. Ne plus jamais tergiverser et me laisser attaquer et affaiblir par mes doutes et mon manque de confiance en moi. Toujours aller de l'avant. Et pourtant je n'y arrive pas.

J'entends la porte s'ouvrir et vois le capitaine entrer, une serviette dans les mains. Il me la jette dessus après avoir éteint l'eau et me regarde d'un air surpris.

- Si tu te demandes comment je suis passé de joyeuse jeune fille délurée à serpillère geignarde, je me pose la même question.

Il me regarde et m'entoure avec la serviette avant de me sortir de la salle de bain, me poser pas très délicatement sur le plancher de sa chambre et me piquer la place dans la douche. Je soupire et commence à me sécher. Ça fait longtemps que je n'ai pas fait de crises. Avant j'en faisais en permanence. A partir du moment où je me suis rendu compte que mon frère n'était plus là.

J'ai passé presque un mois sans réaliser ce qu'il s'était passé, tout le monde me présentait leurs condoléances, tout le monde me prenait avec des pincettes. Les profs n'osaient plus rien me dire et l'administration non plus. En fait tout le monde me traitait en petite poupée de porcelaine. Un jour, en plein cours de Français, avec ma prof préférée, je détaillais mon devoir devant la classe puisque j'avais obtenu la meilleure note. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, s'il y avait un truc dans mon texte ou autre chose mais ça m'a frappé de plein fouet. J'ai commencé à trembler et j'ai réalisé. Mon frère était décédé. Je n'allais plus jamais le revoir. J'ai complètement perdu le contrôle, j'arrivais plus à respirer, à parler, à réfléchir... Je n'avais plus que cette horrible angoisse et douleur qui occultait tout le reste. Je sais que la prof à fait sortir tout le monde de la salle et qu'elle m'a retenue pendant tout le temps qu'a duré la crise. D'après ce qu'elle m'a raconté ensuite, j'ai fini par m'évanouir. Elle m'a porté jusqu'à l'infirmerie et puis je me suis réveillée à l'hôpital. J'y ai passé deux jours à cause de ces fichues crises qui m'épuisaient et me causaient des problèmes de santé. Hyperventilation, tachycardie, ce qui avec mon cœur n'est pas une super idée. Nausées, pertes de consciences et j'en passe. Quand j'ai enfin réalisé, mes parents ont voulu m'emmener chez un de leurs amis psy. Il ne m'a pas demandé de lui parler mais m'a donné l'adresse d'un refuge pour animaux. J'y ai passé tellement de temps que je ne rentrais quasiment plus à la maison que pour dormir et manger.

Je me suis énormément éloignée de ma famille à cette époque. Je crois que ça a contribué à détruire la famille. Je sortais tout le temps, je me suis fait les cheveux de toutes les couleurs. Je l'ai ai eus bleu turquoise foncé, rouge, gris, vert... Avant de revenir au blond et aux mèches bordeaux. J'ai fini par me débarrasser de toutes ces crises, alors pourquoi les revivre maintenant ? Je n'ai pas envie de repasser par la case : roulée en boule au fond d'un placard dans une housse de couette.

Je vois Trafalgar sortir de la salle de bain et me regarder. Je lève les yeux vers lui et lui demande gentiment si je peux lui emprunter un truc pour m'habiller. Sans un mot, il va chercher un truc dans son armoire et me jette son pull, le jaune avec son Jolly Roger. Je l'enfile juste par-dessus mes sous-vêtements et dévisage Trafalgar.

- Merci.

- De rien. C'est pour la nuit. C'était assez amusant de connaitre le point de vue sur ce monde des gens de ton monde.

Je le regarde et sourit.

- Tu crois que les choses se seraient passées autrement s'il n'y avait pas eu tout ça... Flevance, la moto, tout ?

- Non.

Je hausse les épaules et lui sourit avant de quitter sa cabine toujours en sous-vêtements sous son pull.


Jaleckxis.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant