24- Baiona

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Quand je réouvre les yeux, j'essaye de me redresser. Je n'ai pas le temps de faire quoi que ce soit. Je referme les yeux et crache la bile qui me brûle la gorge. Je suis un peu vieille pour me vomir dessus. La plupart des mecs ont une mine dégoutée. Je me penche sur le côté et le reste de mon petit déjeuner rejoint le sable. Jack me tape dans le dos du bout des doigts... Et s'éloigne pour vomir à son tour. Je sens les deux infirmiers du sous-marin me toucher le dos et ils me proposent de me relever. J'ai encore les oreilles qui bourdonnent. Une fois debout, les infirmiers m'aident à faire quelques pas. Jack de retour s'essuie la bouche avant de cracher par terre.

Charmant.

Il me regarde vraiment bizarrement. On doit discuter. D'urgence. De très urgente urgence. Je cherche un code. Quelque chose qui signifie réunion super secrète.

- Tu te sens bien ? Me demande Kea.

- Ouais. Ça va... J'ai juste un...

Jack me regarde et sourit.

- Un week-end à Bayonne ?

Bien pensé. Je hoche la tête. Souris et repousse mes soutiens en faisant attention à ne pas marcher dans mon propre vomi. Je me regarde de haut en bas et manque de faire un nouveau renvoi. Je pue et je suis couverte de vomi. Je fais signe à tout le monde que je vais prendre ma douche.

Une fois douchée, changée, et mes fringues à la machine, je sors les cheveux humides mais presque secs. J'ai trop envie de me faire une couleur. Juste les pointes, bleues ou vertes. Je croise Jack venu me voir et savoir si je comptais encore faire le vomito ou s'il pouvait s'approcher de moi. Le problème que nous avons, c'est que nous sommes des vomitos empathiques, si l'un de nous voit, entends, sent quelqu'un vomir, on vomit aussi. 

- Week end à Bayonne ?

- Baïona nous voilà, les parents ne nous voient pas...

- Bon mot secret.

- Tu as vu des trucs toi aussi ? Des trucs moches. Demande-t-il en se mordillant l'ongle du pouce.

Je hoche la tête mais mon esprit reste fixé sur autre chose. Le week-end à Bayonne... Ou comment nous avons fui la maison pour aller faire un barbecue chez le meilleur ami de France de mon frère et accessoirement mon premier amour. Tout ça pour aller faire les férias de Bayonne sans aucun accord parental.

Nous avions fait des réunions secrètes dans notre chambre. Notre chambre en France, notre domaine et refuge. Une grande pièce mansardée, une fenêtre donnant sur le champ et l'arrière du jardin, les deux autres sur la partie nord et le bois. On voyait toujours la nature et le soleil l'été. Sinon la neige sur les Pyrénées. La vallée d'Ossau. Les vaches et les chevaux de Dédé.

La pièce à l'origine séparée en deux avait été réunie et nous y avions fait notre chambre. Au départ chacun avait un côté, et puis nous avions mis nos deux lits dans la seconde partie, loin de la porte, séparé cette partie « lit » ou nous établissions nos meilleurs plans et mis nos armoires, la télé, la console quand nous en avons eu une ainsi que ma bibliothèque de l'autre. Et enfin nous avions pris le parti de ne plus dormir du même côté de la cloison. Mais au moindre orage, je le rejoignais.

L'été, quand on rentrait en France, on retrouvait tous nos potes de collège, ceux d'avant que les parents trouvent du travail à l'autre bout du monde. On transformait notre chambre en auberge de jeunesse. Nos lits et des matelas par terre, une montagne d'oreillers et de sacs de couchages pour avoir chaud et être équipés si on voulait passer la nuit sous la tente dans la forêt qui surplombait le village. Même si parfois nous campions dans le jardin.

Jaleckxis.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant