26- Notes pour trop tard.

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Je m'enferme dans la cabine de Trafalgar, j'ai besoin de temps pour mettre les choses au clair. J'ai du mal à réfléchir. J'ai du mal à me poser. A faire le point. A me concentrer. J'essaye de respirer mais rien n'y fait. Tout ce que je peux faire c'est sentir l'angoisse monter. Mon souffle se couper, les larmes couler. Mes dents claquer et mes mâchoires se crisper. Je prends une grande inspiration qui ne fait que me faire mal à la poitrine. Deux gouttes sur mes cuisses, mes joues chauffent et ma gorge me fait mal à force de se serrer. Je prends mon téléphone, je mets mes écouteurs.

« Le passage à l'âge adulte est glissant dans les virages. Devenir un homme y'a pas d'stage, pas d'rattrapage. Maintenant t'es dans l'grand bain, devine comment on nage. T'auras toujours une espèce de rage. Envie d'prendre le large. »

Mon souffle se calme un peu en se calant sur la mélodie. Ma gorge est toujours serrée, ma respiration est douloureuse. Je me mordille les lèvres. J'entends la porte s'ouvrir sur Trafalgar.

« Tu peux faire des pompes, tu peux apprendre à t'battre. Mais même musclé, ça fait toujours mal de prendre une droite. Ton cerveau et ton ego fonctionnent à l'envers. Plus tu cherches à prouver quelque chose, plus ça fait le contraire. Quand tu dis qu't'as pas peur c'est qu't'as peur. Quand tu dis qu't'as pas mal, c'est qu'tu commences à sentir la douleur. »

Il s'assieds au pied de son lit, à côté de moi. Les larmes recommencent à couler, ma gorge est serrée, je ne vois presque rien derrière les larmes.

« Premier c'est pour ceux qui ont besoin d'une note, qui n'ont pas confiance en eux. T'es au moment d'ta vie où tu peux devenir c'que tu veux. Le même moment où c'est l'plus dur de savoir c'que tu veux. »

Orelsan. Sans doute le chanteur que j'écoute le plus ces dernières années. Ses textes résonnent dans ma tête. J'essaye de respirer. Difficile. Je suis oppressée, c'est le terme. Je me sens encerclée par mes problèmes. Prises au piège.

Quels problèmes ? Je vis le rêve idéal. Plus de parents pour me stopper, plus de problèmes de famille, plus de lycée, plus d'APB. Plus de décision ou de futur à planifier. En visite dans un monde idéal. Certains tueraient pour ça et moi je pleure, je me dégoute. Je devrais être au sommet du bonheur. Mais non. Combien retrouvent leur frère décédé ? Personne parce que c'est trop beau pour être vrai. Et pourtant il est là. Je peux rencontrer les personnes les plus importantes de cet univers, alors pourquoi je suis autant flippée.

« Arrête de passer ta vie à fuir, angoissé par l'avenir. Parce qu'il n'y a rien à faire pour s'préparer au pire. Comme les attentats. Les mauvaises nouvelles frappent quand tu ne t'y attends pas. Des proches un peu pressés partiront avant toi. Tu verras des gens heureux prendre un appel, leurs visages se décomposent, et rien n'est plus jamais pareil »

J'aimerais être assez courageuse pour dire que je vais aller voir Barbe-Blanche pour le prévenir. Essayer de mettre fin à la guerre ou l'éviter. Partir à la poursuite d'Ace avant qu'il n'arrive à l'affrontement contre Barbe-Noire. Je n'ai pas cette force. Je ne suis pas forte. Je suis terrorisée, faible, avec une assez grande gueule pour le camoufler. Je ne regarde pas Trafalgar. Je ne m'aime pas, surtout pas dans cet état. J'ai l'impression de suffoquer un masque à oxygène sur le nez.


« Y'a rien à faire à part être présent. Panser les plaies, changer les pansements. Le seul remède c'est l'temps. »

Est-ce que le temps répare vraiment les choses ? Ou est-ce que ça sert juste à les oublier ? Est-ce qu'on peut oublier, occulter. J'ai besoin d'arrêter le temps. J'ai besoin de comater pendant dix ans. Oublier, m'égarer, ne plus penser. Ne plus baliser.

Je sens du tissu sur mon visage. Trafalgar m'essuie le visage. Je me suis mordu les lèvres jusqu'au sang. Je pose ma tête sur sa poitrine, il passe son bras autour de moi. Je m'excuse. Lui, sa sœur ne reviendra pas. On n'est pas dans une fanfiction ou Lami aurait mangé un fruit du démon ou aurait survécu à l'incendie. Ici c'est la vraie vie. Je sens ma respiration se bloquer à nouveau, je vais hyperventiler. J'ai beau ouvrir la bouche, rien en sort. Je sens Trafalgar me prendre la main, je le regarde et vois la seringue. Je tremble. Il m'injecte un produit dans le bras et me porte dans les siens. Je sombre quand il me pose sur le lit de l'infirmerie.


Jaleckxis.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant