Chapitre 4 : Avis de tempête

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MYRA

 En mer, le temps n'en fait qu'à sa tête. Depuis que je suis partie de cette île avec un bateau de fortune, j'ai passé deux jours entiers à cuire sous le soleil. Et maintenant que je commence à peine à m'habituer, il se met à pleuvoir des cordes, la couleur du ciel avoisine le noir, et pour couronner le tout, un vent violent s'est levé. Je ne sais pas si je réussirais à dompter les voiles du navire. Il a beau être petit, il n'en est pas moins léger, et une simple bourrasque mal placée pourrait le faire chavirer à tout moment. Je ne dois pas perdre le contrôle.

Sur le navire de Kidd, j'ai réussi à me procurer un log pose suffisamment performant pour pouvoir me diriger en mer. Je sais que je dois suivre le Nord, c'est l'unique moyen de parvenir à Dressrosa. Je me demande à quoi ressemble cette île. Avec un type comme Doflamingo à sa tête, ça ne présage rien de bon. Mais je dois m'y rendre, hors de question que je laisse cette enflure persister.

Après avoir quitté l'équipage de mon frère, j'avais parcouru la minuscule ville portuaire au bord de côtes de l'île. Il s'est avéré qu'un vieux marchand a accepté de me troquer ce bateau contre un peu d'eau, de nourriture, et un de mes bracelets en or. A croire que les habitants de cette île n'ont vraiment pas le sens des priorités. L'embarcation n'est pas dans un état parfait, mais elle flotte, et la voile prend bien le vent, c'est largement assez. Et puis, après des jours et des jours de confort à bord du Victoria Punk, je ne pouvais pas non plus espérer retrouver un tel luxe. Je suis optimiste, mais pas naïve.

Le vent souffle toujours, et je peine à maintenir la voile principale en place. Un seul faux mouvement et je me retrouve à valser par dessus bord. Autant éviter de merder. Soudain, je sens une étrange fraîcheur sur mon visage, devenant peu à peu de plus en plus présente. De l'eau ! Des gouttes de pluie dégoulinent sur mon front, mes joues. Je ne sais pas si je dois me réjouir ou craindre pour ma peau. Sérieusement, une tempête ? Maintenant ?

Sans cesser de tenir la corde de la voile, j'envoie mon sac de nourriture et de vêtements sur le porche du pont, à l'abri de l'humidité. Manger du pain trempé au repas de ce soir est bien la dernière chose dont j'aurais envie.

Le vent devient de plus en plus fort, et je sens bien que les muscles de mes jambes peinent à me maintenir au sol dans tout ce tumulte. La coque du bateau claque contre les vagues, de plus en plus grosses à mesure que l'embarcation avance. Autour de moi, je ne parviens plus à trouver le soleil, ni même un brin de lueur : le ciel s'est transformé en véritables ténèbres, obscurcissant tout en dessous de lui. J'ai un très mauvais pressentiment. Koba me dirait de ne pas paniquer, de voir le bon côté des choses. C'est ce qu'il faisait toujours lorsque j'avais peur étant enfant. C'est ce qu'il a fait lorsque Kidd nous a quittés. Mais mon père adoptif n'était pas terre-à-terre. J'aimerais positiver, vraiment, mais voir ces vagues immenses dépasser mon bateau et s'écraser sur mon pont en manquant de m'emmener avec elles me donne envie de tout, sauf de positiver.

Tiens bon Myra. Tu n'as pas fait tout ce chemin pour mourir ridiculement en mer. Tu dois tenir. Autrement, qui se chargera de se venger de Doflamingo ?

Soudain, dans une force incontrôlable, je me sens propulsée de l'autre côté du pont, manquant de passer par dessus bord. Une immense vague vient de s'écraser sur moi, me coupant le souffle. Je peine à retrouver une respiration normale, je tousse, et crache l'eau qui vient de rentrer dans mes poumons. C'est alors que je vois la corde de contrôle du mat voler au vent. Impossible de la rattraper. La voile semble prise dans une danse interminable contre le vent, qui prend facilement le dessus sur elle.

C'est alors que je sens le bois de la coque craquer dans un fracas assourdissant. Mes mains ripent contre le sol, ne parvenant pas à trouver une prise suffisamment stable pour me maintenir en sécurité. Le courant des vagues envoie le bateau à droite, à gauche, sans cesse, et je me cogne contre chaque rambarde. Mes forces m'échappent, ma vision se trouble. La tempête prend le dessus et moi, je perds mes moyens. Je hurle. Je ne peux pas mourir, pas comme ça.

Dans un ultime effort, je me relève et tente d'approcher la cabine. Mes jambes me brûlent, mon dos me semble complètement broyé. M'accrochant aux rambardes, je me rends compte qu'une douleur anormale se répand dans mon corps. Une douleur que même le coup le plus violent ne peut infliger. Avant même de pouvoir examiner mon état, mes yeux se posent sur le sol boisé du pont : il est complètement rouge, du sang se mêlant à l'eau de la mer qui ne cesse de se déchaîner. Et là, je comprends. Je pose une main sur ma hanche, là où la douleur se fait la plus forte, et sens qu'un énorme bout de bois pointu s'y est logé. Sûrement un venant d'une des rambardes contre lesquelles le vent m'a envoyée me cogner.

Je reprends mon souffle, bien que l'air se fasse de plus en plus rare, et tente malgré mon manque évident de force de me maintenir adossée au mur, le longeant pour atteindre la cabine. Mais alors que je crois enfin y parvenir, j'entends un immense fracas venant du pont. Un des piliers de bois vient de se détacher, et se dirige tout droit vers moi. S'il me heurte, il va m'envoyer à la mer, et prendre la dinnette avec les poissons est la dernière chose dont j'ai envie actuellement.

Dans une tentative d'esquive, j'essaye de m'abaisser, en vain. La douleur provoquée par ma plaie béante à la hanche est trop forte. Je lâche un cri étouffé, alors que le pilier me heurte de plein fouet au crâne. Et je ne sens plus rien. La plaie semble avoir disparu, la tempête aussi. L'eau glacée m'entoure, c'en est presque réconfortant. Et alors que la tempête atteint son paroxysme, je ne parviens plus à lutter. Finalement, les yeux clos, aux portes de la mort, je me sens mieux, apaisée.

Chasseuse de primes (Law x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant