Best's game

61~ Changée

— En première place, monsieur Eliam ! dévoile Isira en souriant.

Le prénom me passe dans une oreille pour ressortir par l'autre.
Oh, je me fiche bien de son classement. Qu'il soit premier, deuxième ou troisième n'y changera rien. Ça se finira toujours de la même façon.

— Puis mademoiselle Adama, reprend la présentatrice. Mademoiselle Gabrielle, monsieur Corentin et enfin, monsieur Anthony !

Quatrième...

Tu es fier de toi, Corentin ?
Bravo, tu as gagné le droit de partir ! Félicitations, mec...

— Nous avons notre trio final ! observe Isira avec un grand sourire. Il reste trois jours à nos candidats pour se démarquer. Rendez-vous donc vendredi prochain pour le dernier classement !

Je ferme les yeux, déjà fatiguée à la perspective des quelques jours qui vont passer.

Il n'y a plus d'activité de prévues, plus d'emploi du temps. Et je serai seule.
Oh, l'abandon de Corentin va se faire sentir !

Cet idiot !

— D'ici là, portez vous bien, finit la présentatrice dans un froufrou d'étoffe. Et que le meilleur gagne !

La télé s'éteint brusquement, les spots se rallument. L'émission est terminée.

Le buffet est dressé dans un coin de la pièce, alléchant. Mais l'atmosphère est d'une froideur trop indigeste pour que je trouve l'envie de l'approcher.
Un éliminé déçu, un idiot ravi, une peste redoutable et un malade mental auquel je ne veux surtout pas penser. Décidément, quelle bonne ambiance !

Je serre les poings, quittant la salle d'enregistrement sans plus attendre. Le moment n'est pas filmé, pas la peine de m'attarder et de forcer le sourire.
Non, je préfère aller me coucher !

Mais c'est sans compter la main qui s'agrippe à mon poignet pour me tirer en arrière une fois dans le couloir.

— Ielle, m'en veux pas, déclare Corentin d'une voix plus ferme qu'à l'habitude. J'ai bien réfléchi, crois-moi. Je suis pas fait pour tout ça. C'était la meilleur chose à faire !

La meilleur chose à faire, mon œil ! C'est débile et lâche, oui !

Je me retourne rageusement vers le garçon, des galets dans la gorge. 

— NON ! C'ÉTAIT...

— M'engueule pas ! gronde-t-il en fronçant les sourcils. Tu ne vas pas me reprocher ma décision quand même ! Je fais ce que je veux de ma vie, je te signale.

Putain, tu ne devrais pas avoir cette liberté vu comme tu la gaspilles, crétin !

Je serre les dents, rageuse.
Mais le problème... c'est qu'il a raison au fond.

Je ne peux pas lui en vouloir pour ça. Ce n'est pas parce que moi, je n'ai pas l'opportunité de partir que lui ne peut pas faire son propre choix.

Oh et il est bien trop sûr de lui pour que je puisse douter.

Alors je baisse la tête, cédant à son idiotie. C'est trop tard de toute façon, le mal est déjà fait.

Le garçon relâche ma main, satisfait.

— Je pars demain à l'aube, déclare-t-il en retrouvant son sempiternel sourire bienveillant. On ne se reverra sans doute pas avant...

Je garde le menton baissé, subitement triste à cette idée. Les bras raides le long du corps, je tente d'imaginer me lever dans un Palais sans Corentin.

Non... il a toujours été là ! Je ne vois pas comment c'est possible qu'il disparaisse... pas si soudainement !

Oh... comment ça va se passer sans lui ?