Je me réveillai en sueur et haletante. J'étais encore terrifiée par le cauchemar que je venais de faire. Ça ne m'arrivait pas, habituellement. Mais là, c'était comme quand j'avais trois ans et que j'allais trouver refuge dans le lit de Camille. Je tâtai le matelas à l'aide de ma main, mais Aurel semblait être parti. Il m'avait prévenu la veille qu'il se lèverait tôt.
Je ne savais pas quelle heure il était. Je ne me rendais pas compte s'il faisait déjà jour ou pas. Je me souvins alors qu'Aurel avait mis mon smartphone à recharger, me disant que je pourrais toujours utiliser la fonction Siri pour lui demander de me lire les messages reçus, en envoyer ou d'autres choses.
–Dis, Siri... quelle heure il est ? tentai-je de l'appeler.
— Il est six heures quarante-trois, me répondit la voix artificielle.
Autant me lever, je ne pensais pas réussir à me rendormir. Tant bien que mal, je parvins à atteindre la cuisine. J'étais soulagée qu'Aurel ne soit pas là. Je n'aimais pas sentir son regard sur moi, pendant que j'essayais de me débrouiller toute seule. Oui, je ne pouvais pas le voir, mais j'étais sûre qu'il m'observait avec tristesse. Je le devinais dans sa façon de me parler, jusqu'à sa manière de me tenir dans ses bras quand nous dormions. Cela faisait plusieurs jours maintenant que j'étais rentrée chez moi et Aurel avait passé toutes ses nuits ici.
J'ouvris un placard, celui dans lequel j'étais censée trouver du pain, puis cherchai le toaster. Pendant que les tranches grillaient, je pris la confiture dans le frigidaire, ainsi qu'un couteau dans un tiroir. J'aurais voulu me faire un thé, mais je n'étais pas sûre de réussir à le faire sans créer une catastrophe comme la dernière fois.
Mon assiette dans la main, j'essayai de rejoindre ma table à manger, sans rencontrer un meuble au passage. Une fois assise, je poussai un soupir de soulagement. J'allais au moins pouvoir prendre mon petit-déjeuner. J'eus envie de vérifier si j'avais reçu des messages, mais réalisai alors que j'avais laissé mon téléphone sur ma table de nuit. Je soufflai d'agacement contre moi-même et me levai pour retourner dans ma chambre. Quelques minutes plus tard – et quelques bleus supplémentaires plus tard – j'étais à nouveau assise et pouvais enfin manger mes tartines.
— Dis, Siri, lis-moi mes derniers messages reçus.
— De Aurel : Coucou ma puce, si jamais tu penses à écouter tes messages, je serais rentré vers dix-neuf heures. N'oublie pas qu'il y a de quoi te réchauffer à manger dans le frigo pour ce midi. Cœur rouge.
Heureusement, ce matin-là, j'avais un premier rendez-vous avec une psychologue , cela me ferait sortir de mon appartement, au moins quelques heures. Je ne savais pas vraiment quoi faire pour m'occuper, autrement. Je ne pouvais pas lire ni regarder la télé. On m'avait parlé de choses et d'autres pour m'adapter à cette nouvelle cécité. Mais je n'en avais pas envie.
En milieu de matinée, Camille vint me chercher à la maison pour m'emmener chez la psy.
— Le taxi de Madame est avancé ! s'exclama-t-elle, lorsque j'allai lui ouvrir la porte.
— Merci, Cam. Tu es sûr que ça ne va pas te porter préjudice, d'avoir posé une journée de congé à ton boulot ?
— Ne t'en fais pas pour ça. Et puis de toute façon, ça ne sert à rien de se triturer la tête, maintenant. Ce qui est fait est fait ! Tu prends ta canne ?
— Non. Je l'aime pas. J'en veux pas, ronchonnai-je.
— Attrape mon bras, alors, me proposa-t-elle gentiment.
C'était étrange comme elle était capable de s'occuper de moi, sans me faire ressentir la moindre pitié. En même temps, elle avait toujours pris soin de moi, depuis que nous étions toutes petites, c'était peut-être lié à ça.

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DALL
ParanormalQuand elle se réveille à l'hôpital, Elia découvre qu'elle a perdu la vue. Elle ne se souvient de rien. La dernière chose dont elle est sûre est qu'elle était allée se coucher dans son lit, après une soirée un peu arrosée. Ses nuits sont bercées du...