DALL

Chapitre 14

Reed nous avait trouvé un Bed and breakfast en plein centre-ville, dans une petite ruelle toute calme. Nous fûmes accueillis par une vieille femme, ou en tout cas elle en avait l'air de par sa voix. Nous avions chacun une chambre, l'une à côté de l'autre, ce qui était bien pratique, si j'avais besoin d'aller le chercher pour de l'aide.

J'étais fatiguée par le voyage. De ne pas savoir où j'étais me demandait de faire bien plus attention à mon ouïe. J'avais l'impression que je n'avais jamais autant fait travailler mes oreilles que depuis que j'avais perdu la vue.

Je tentai de réprimer un bâillement, tandis que Reed s'occupait de déposer mes affaires sur mon lit.

— Tu sais quoi ? Je vais essayer de retrouver quelqu'un qui pourrait me donner des renseignements. Toi, profites-en pour te reposer un peu et si ça te dit, on sort manger un morceau dehors ce soir.

— Ça me va. Tu pourrais juste me faire le tour du propriétaire, s'il te plaît ?

Il attrapa aussitôt mon bras et m'aida à me lever du lit. Nous fîmes quelques pas et il posa ma main sur une poignée.

— Ici, c'est la salle de bain.

Il ouvrit la porte me fit entrer à l'intérieur de la pièce pour me « montrer » le lavabo, la baignoire et les toilettes puis nous retournâmes dans la chambre, dans laquelle il m'indiqua où se trouvait la fenêtre si j'avais envie d'aérer.

— Merci pour le tour, monsieur le guide, badinai-je en m'installant à nouveau sur le lit.

— Y a pas de quoi. Ça va aller ?

— Mais oui, t'en fais pas. Au pire, je demande à Siri de t'appeler.

— Je garde mon téléphone sur moi, confirma-t-il.

Des pas qui s'éloignèrent et une porte qui se referma.

Je me laissai retomber sur le matelas et tâtai la poche de mon jean pour prendre mon smartphone.

— Dis, Siri, lis-moi mes derniers messages.

» Message de Camille : Coucou ma chérie. J'espère que tu es bien arrivée. Rassure-moi stp. Je t'aime et fais pas de bêtises. Cœur rouge.

Je souris en fermant les yeux. C'était mal de ma part, mais je savais qu'elle ne m'en voudrait pas trop longtemps. Nous étions incapables de garder rancœur l'une contre l'autre.

» Message de Maman : Ta sœur vient de m'annoncer que tu es partie en Écosse. On a une bonne adresse de resto, si tu as besoin. Fais attention à toi.

Ma mère dans toute sa splendeur. Elle n'était même pas plus inquiète que ça du fait que sa fille qui ne voyait plus rien puisse être allée en voyage avec un homme qu'elle ne connaissait que depuis un mois. J'aurais presque préféré qu'elle m'engueule par message, comme une mère normale l'aurait fait.

Personne d'autre n'avait tenté de me contacter ce jour-là. Il fallait dire que depuis que j'avais perdu la vue, les gens ne communiquaient plus beaucoup avec moi. J'étais mise à l'écart, comme si je ne pouvais plus participer à une conversation, faire partie d'un échange.

À l'aéroport, nous étions tombés sur un vendeur qui m'avait parlé super fort, comme si j'étais sourde. Je m'étais fait un plaisir de lui répondre sèchement que mes yeux étaient peut-être dysfonctionnels, mes oreilles, elles, marchaient encore très bien.

J'enlevai mes chaussures du bout de mes pieds, les entendis chuter au sol et me retournai sur le côté, entourant un coussin de mes bras. Je savais que je ne devais pas me faire trop d'illusions... Mais j'espérais si fort que quelques jours plus tard je pourrais à nouveau voir. Ne plus être dépendante d'autrui pour ma sécurité. Pouvoir marcher, courir, sans avoir à penser à ce que je faisais. Envoyer un message. Me maquiller. Regarder la télé. Lire.