— Comment ça, tu pars en Écosse ? Tu te fiches de moi ?
Camille avait levé la voix, chose qui ne lui arrivait pas souvent.
— Mais tu es aveugle, Elia ! Tu ne peux pas y aller toute seule comme ça !
— Je ne serais pas toute seule, Reed vient avec moi.
Au silence qui s'ensuivit, j'imaginais aisément sa tête. Sourcils haussés, la bouche légèrement entrouverte, les yeux qui clignaient à intervalles réguliers.
— C'est un burn out, c'est ça ? finit-elle par me demander.
— Mais non, pas du tout... râlai-je.
— Écoute, tu viens de m'annoncer que toi et Aurel, c'est fini, et que tu t'en vas en Écosse avec ton voisin. Je suis en droit de me poser des questions.
Je laissai errer mes doigts sur le tissu rêche de mon fauteuil. Je l'avais trouvé dans la rue, quelques mois en arrière, en rentrant d'une soirée avec Aurel et nos amis. L'arrière était complètement déchiré et l'assise manquait de moelleux, mais j'avais cousu un vieux drap derrière et ajouté deux coussins et il était devenu mon siège fétiche. Aurel avait dû le porter, sur son dos, tout le trajet du retour. J'avais des photos de lui, en train de râler parce que je ne l'aidais même pas un peu. Ce souvenir me fit sourire, mais je secouai vivement la tête pour l'effacer. Ce n'était pas le moment de penser à ça.
— Et t'es censée partir quand ? m'interrogea-t-elle.
— Demain.
— Demain ? Non, mais c'est quoi cette histoire ? Tu ne peux pas faire ça !
Le bruit de ses pas claqua sur le sol de mon salon, j'en déduis qu'elle tournait en rond, comme lorsqu'elle était fébrile.
— Ça va... la seule raison pour laquelle tu t'énerves, c'est parce que je suis aveugle. En temps normal, tu ne réagirais pas comme ça.
— Alors déjà, on est en temps normal. Ça... tout ça, c'est devenu ta normalité. Donc bon... J'entends que tu as du mal à l'accepter, hein. Mais tu ne peux pas sauter dans un avion avec un inconnu, pour te rendre dans un autre pays.
Je poussai un long soupir en me laissant retomber en arrière dans mon fauteuil. J'en avais plus que marre de me sentir infantilisée sous prétexte que je ne voyais plus.
— Je suis majeure et vaccinée, je te rappelle. Et je ne pars pas avec un étranger, c'est Reed.
— Ton voisin, que tu as rencontré il y a un mois, à tout casser... Tu ne le connais pas vraiment, tu ne sais pas qui il est !
— Figure-toi que si.
Mais je me tus avant d'en dire trop.
— Il y a quelque chose entre vous ?
— Mais... rah ! Arrêtez donc tous de me poser cette question ! Il n'y a rien ! Nada ! Pourquoi ne pourrait-on pas être amis, tout simplement, sans qu'il n'y ait une histoire d'attirance entre nous ? En plus de ça, je ne sais pas du tout à quoi il ressemble.
— Y a pas besoin de savoir à quoi ressemble la personne pour tomber amoureuse, nota ma sœur.
Je levai les yeux au ciel.
— Sérieusement ? Tu me parles carrément d'amour, maintenant ? Ça en devient ridicule, là. Je t'ai expliqué, Reed connait quelqu'un qui pourrait m'aider à retrouver ma vue et pour ça, je dois aller en Écosse.
Le silence. Un bon gros silence qui me rendit anxieuse. Je me fichais complètement que mes amis estimaient que j'étais folle, je n'avais même pas pensé à prévenir mes parents. En revanche, j'avais besoin d'avoir l'aval de ma sœur. Je ne voulais pas partir en étant fâchées.

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DALL
ParanormalQuand elle se réveille à l'hôpital, Elia découvre qu'elle a perdu la vue. Elle ne se souvient de rien. La dernière chose dont elle est sûre est qu'elle était allée se coucher dans son lit, après une soirée un peu arrosée. Ses nuits sont bercées du...