Chapitre 5

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La respiration haletante et en nage, je me réveillai subitement. Je clignai des yeux à plusieurs reprises, puis me rappelai que cela ne servait à rien. Je ne pouvais plus voir. Allongée sur le dos, je saisis le bras de mon petit ami qui reposait sur mon ventre et le repoussai doucement, afin de pouvoir me lever. D'un pied plus ou moins sûr, je me rendis dans la salle de bain. À la hâte, je me jetai sur mes toilettes, en relevai la cuvette et vomis l'intégralité de mon repas. Les spasmes de mon corps se calmèrent petit à petit et je restai quelques instants la tête appuyée sur la faïence en prenant de grandes inspirations.

Le parquet qui grince, la porte qui s'ouvre, un clic.

— Elia, ça va ?

Je refermai les yeux en soufflant. Forcément, il fallait qu'il m'ait entendue.

— Non, c'est bon. T'en fais pas. Tu peux retourner te coucher.

Du mouvement derrière moi, le robinet qui couine, de l'eau versée.

— Tiens, bois un peu, ça te fera du bien.

Je resserrai l'emprise autour du verre qu'il me donna et avalai quelques gorgées.

— Qu'est-ce qu'il se passe, ma puce ? m'interrogea Aurel d'un ton inquiet.

— Tu veux dire en dehors du fait que je ne peux plus voir et qu'il me manque une nuit de ma vie ? ironisai-je.

Il promena une main sur ma tête et caressa mes cheveux dans un geste qu'il voulait réconfortant. Mais je n'en pouvais plus. Cela ne faisait qu'une semaine que j'étais sortie de l'hôpital et pourtant, je ne supportais plus sa façon d'être toujours inquiet pour moi. J'avais l'impression d'être devenue cette minuscule chose si fragile, dont il devait prendre soin. Je ne voulais pas être sa patiente. J'étais sa petite amie, pas ça.

— Tu dors bien, en ce moment ? se renseigna-t-il alors.

Non, je ne dormais pas bien. Je faisais des cauchemars qui me laissaient dans un état d'angoisse et de stress tel que j'en venais à vomir. Mais cela, il ne pouvait pas savoir, vu que je ne lui en avais pas parlé. J'ignorais pourquoi. J'avais peut-être l'impression que s'il venait à être au courant de ce détail, il s'inquiéterait encore plus pour moi et je ne voulais pas de ça.

— Oui, ça va, lui mentis-je. Vraiment, Aurel, va te coucher. Je vais me brosser les dents et j'arrive.

— Bon...

Je l'entendis faire demi-tour et je me retrouvai seule dans ma salle de bain.

Nous n'avions pas pris de décision officielle quant au fait qu'il emménage chez moi, néanmoins, il avait dormi ici chaque nuit depuis mon retour de l'hôpital. L'air de rien, il était en train de s'installer dans mon appartement et je n'aimais pas ça. Ce n'était pas pour la bonne raison.

Péniblement, je me redressai et pris appui sur le lavabo. Je réussis à trouver ma brosse à dents ainsi que mon dentifrice et me rinça la bouche. En ressortant de la salle de bain, n'ayant pas le moins du monde envie de dormir, je me dirigeai vers la cuisine. En fouillant dans les placards, je finis par mettre la main sur la boîte contenant les shortbreads que mon voisin, Reed, avait laissés devant ma porte. Ce n'était certainement pas raisonnable de manger un concentré de sucre et de beurre juste après avoir vidé mes tripes, mais j'avais besoin de réconfort et la nourriture était un peu le seul truc qui n'avait pas changé.

Quoique... je faisais bien plus attention aux textures et nuances dans les épices depuis que j'avais perdu la vue. Avant, je mangeais souvent sur le pouce ou un truc livré, tout en travaillant sur mes traductions ou en regardant des vidéos. J'engloutissais les aliments sans m'attarder plus que ça sur ce que je dévorais.

DALLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant