Cela faisait dix jours que nous voyagions en visitant tous les châteaux qui longeaient le littoral. Aucun ne ressemblait à celui que j'avais vu dans ma vision. J'en avais d'ailleurs eu quelques-unes, depuis, mais rien de bien transcendant, me permettant de dire à Reed : je sais où il est. Ainsi donc, nous avancions à tâtons, ne sachant pas trop où nous nous rendions. Ce jour-là, nous campions au pied d'une colline, non loin d'un village. J'aidais Reed à mettre en place notre campement, quand je sursautai soudainement, voyant passer une libellule d'un rouge translucide passer devant moi. Depuis que nous étions en Écosse, il m'arrivait souvent d'apercevoir des esprits qui se promenaient entre nos deux univers. Reed m'avait expliqué que c'était parce que j'avais pu me rendre dans leur monde une fois et il m'avait révélé qu'il en était de même pour lui depuis sa première visite là-bas. Je fouillai dans mon sac de marche et en ressortis nos provisions, afin d'en faire l'inventaire. Nous n'avions plus grand-chose et nous allions vraiment devoir faire un saut dans la civilisation pour nous réapprovisionner.
— Il va falloir qu'on fasse des courses, annonçai-je en rangeant ce que j'avais dérangé.
— Ça te dit qu'on mange un morceau dans un pub ou un restaurant ?
Je redressai vivement la tête et dégageai mes cheveux ramenés sur mon visage par le vent.
— Tu es sérieux ? m'extasiai-je.
— Je pense qu'on le mérite, déclara-t-il.
Il s'approcha de moi et me tendit une main pour m'aider à me remettre sur mes deux pieds. Une fois debout, il m'encercla de ses bras et je me mis sur la pointe des pieds pour l'embrasser plus facilement. L'ambiance entre nous, depuis que nous étions dans les Highlands, était plutôt étrange. Nous essayions de faire comme si de rien n'était, de papoter comme d'habitude, mais je sentais bien qu'il y avait une gêne qui persistait. Il m'avait avoué avoir peur de mal faire les choses et qu'il m'arrive quelque chose. Quant à moi, j'avais du mal à réaliser ce qu'il se passait. C'était comme si je me voyais vivre ma vie, sans y participer réellement. Comme si j'étais en état de choc permanent. Alors, sa proposition d'aller se faire un restaurant tous les deux, aussi bête que cela pouvait paraître, c'était une bouffée d'air fraiche, un mini retour à une normalité. Ma normalité.
— Laisse-moi juste m'occuper de rendre notre campement invisible aux yeux des autres et on y va.
Il déposa un baiser sur mon front et s'écarta, bougeant ses mains dans une danse que je peinais à comprendre. Tandis qu'il me tournait le dos, j'essayai de l'imiter, tentant de saisir ce qu'il faisait. Il se retourna subitement, alors que je ne m'y attendais pas et je fus prise la main dans le sac.
— Essayais-tu de faire comme moi ? s'enquit-il avec un grand sourire.
Le vent souffla dans ses cheveux, recouvrant son front, mais je distinguai encore ses yeux verts rieurs en dessous de sa frange.
— Je ne sais pas ce que je faisais, rétorquai-je en levant les yeux au ciel. On va manger ?
Reed me proposa son bras et nous marchâmes ainsi, l'un contre l'autre, dans la campagne verdoyante écossaise.
J'avais fait des progrès ces derniers jours. Je maitrisais de mieux en mieux mes pouvoirs, mes émotions n'en prenant presque plus le contrôle, mais je ne pouvais pas m'empêcher d'avoir cette drôle de sensation. Celle qui me disait que ce n'était pas moi, que je ne serais jamais vraiment une sorcière. J'avais l'impression d'être un réceptacle dans lequel bouillonnait toute cette énergie et que je m'appliquai à contrôler du mieux que je pouvais.
— De quoi as-tu envie ? m'interrogea Reed tandis que nous entrions dans la ville.
— Peu m'importe ! Du moment qu'on s'assied à une vraie table et qu'on se fait servir par quelqu'un ! claironnai-je.

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DALL
ParanormalQuand elle se réveille à l'hôpital, Elia découvre qu'elle a perdu la vue. Elle ne se souvient de rien. La dernière chose dont elle est sûre est qu'elle était allée se coucher dans son lit, après une soirée un peu arrosée. Ses nuits sont bercées du...