Chapitre 26

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J'avais perdu le compte des jours. Je ne savais plus depuis combien de temps j'étais dans cette forêt, avec les autres filles. Hannah et Téa avaient vite remarqué que j'avais le droit à un traitement de faveur et ne comprenaient pas pourquoi moi et pas elle. Aussi, j'avais décidé que ce soir-là, quand nous serions justes toutes les trois dans notre chambre, j'allais leur raconter pour les sorcières et ce qu'elles souhaitaient faire de nous.

Ou peut-être uniquement toi, souffla une petite voix dans ma tête.

Mais qu'avais-je de plus que les autres ? Je ne comprenais pas. En attendant, nous devions tous les jours retourner au même endroit, au milieu de la forêt. Quoique, cela aurait pu être à sa lisière, je n'en aurais rien su, étant aveugle et inapte à me repérer toute seule. Mes sens avaient pris le dessus, quand il fallait arriver à ce point de rendez-vous, je ne savais pas vraiment comment je faisais pour y parvenir, mais je trouvais toujours le bon chemin.

Là-bas, j'étais capable de rester des heures, assise au sol, sans bouger. C'était un peu comme si j'étais en méditation. En pleine introspection, je retrouvai ce sanctuaire qui me faisait penser à Reed et je m'y allongeai mentalement, profitant de la chaleur et du bien-être qu'il m'apportait. Grâce à cela, j'avais le droit à un bain, tous les jours et mes repas étaient bien meilleurs qu'à l'arrivée. Mais c'était aussi à cause de cela que les filles m'ignoraient. Le soir, dans notre chambre, elles discutaient entre elles et j'avais d'abord décidé que je m'en fichais, je ferais ce qu'il faudrait pour récupérer ma sœur, quitte à ce qu'on ne m'aime pas. Je n'avais pas besoin d'amies. Juste Camille. Et Reed. Alors, j'avais pris l'habitude, tandis qu'elles parlaient entre elles, de retourner dans mon sanctuaire et de m'y réfugier, me lovant contre les parois réconfortantes de la présence de Reed.

Mais, quand bien même j'avais un objectif en tête, ma conscience me disait qu'elles méritaient au moins de savoir ce qu'il se passait et ce qui risquait de leur arriver. Donc, quand nous dûmes retourner dans notre chambre, ce soir-là, j'étais déterminée à le leur expliquer.

Je m'assis sur mon lit, ramenant mes jambes sous moi.

Les filles, je peux vous parler ?

— Oh, Sa Majesté a décidé que nous étions assez bien pour elle ? cingla Hannah.

Laisse-la parler, la morigéna Téa. On t'écoute, Elia, vas-y.

Je cherchai quelques instants comment leur annoncer cela, sans passer pour une folle, digne d'être jetée dans un asile psychiatrique.

Je sais pourquoi nous avons été amenées ici, commençai-je. Et ce que je m'apprête à vous dire va vous demander de faire preuve d'une certaine ouverture d'esprit.

Je souris en réalisant que c'était ce que Reed m'avait dit au moment de me déclarer ce qu'il était vraiment et mon cœur se serra un peu en pensant à lui.

Oui, oui, ça va... on t'écoute, s'impatienta Hannah.

Bon, il n'y a pas trente-six façons de vous annoncer ça... les femmes qui nous ont enlevées sont des sorcières qui cherchent à gonfler leur rang. Je pense que si elles nous ont rendues aveugles, c'est pour nous obliger à faire plus attention aux éléments qui nous entourent, parce que c'est comme ça qu'elles utilisent leurs pouvoirs, en étant en communion avec la nature.

J'arrêtai de parler et attendis une réaction de leur part. N'importe quoi. Au bout de quelques secondes, Hannah éclata de rire et je ne savais pas comment je devais le l'interpréter.

Des sorcières, vraiment ? C'est tout ce que tu as trouvé ?

Je lâchai un soupir, forcément, Hannah n'allait pas bien le prendre.

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