Partie II/10

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        L'asiatique finalisait l'installation qui faciliterait la montée du pirate blessé jusqu'au navire. Penchés, Otto et le Borgne nouaient des cordelettes pour accrocher le corps allongé de Monsieur White à un brancard fraîchement fabriqué avec les moyens du bord. L'homme était vivant mais il agonisait, blanc comme un linge. Soudain, il empoigna son collègue le plus proche par le col.

        -J'ai... j'ai perdu mon œil, prononça-t-il laborieusement.

        Le Borgne prit sur lui pour contenir son émotion.

        -Je te le retrouverai mon gars, ne t'en fais pas.

        Le Borgne conclut par un sourire triste qui, en première intention, s'était voulu réconfortant. Otto quant à lui, était dépité.

        Quand ils en eurent fini avec l'assemblage, ils l'indiquèrent humblement à l'asiatique qui commença à tirer sur la corde pour hisser lentement Monsieur White le long du flanc de la frégate.

        Le reste de l'équipage observait la scène depuis la plage. Mr Chatham désapprouvait, la mine sombre, balançant doucement la tête de gauche à droite pour souligner l'absurdité de la situation.

        V avait la tête levée. Assis en tailleur, il jouait avec le sable en détaillant cet ersatz de brancard qui ne paraissait pas bien solide. Il prit un air triste lorsqu'il entendit Monsieur White gémir en heurtant la coque, puis détourna le regard, posant des yeux chagrinés sur l'horizon. Tout à coup, son expression changea. Il crut voir des silhouettes au loin, à la surface des flots, deux hommes en vérité, jeunes et physiquement identiques. Ils semblaient surveiller la plage, mais surtout, ils semblaient armurés. V tourna vite le visage vers les autres pirates par réflexe, en quête d'un témoin oculaire. D'ordinaire, il aurait hurlé sauvagement pour annoncer sa découverte, mais le contexte immédiat n'était pas approprié pour deux sous. Quand il comprit qu'il ne trouverait aucun soutien, V regarda à nouveau la mer mais les deux hommes n'étaient plus là.

*

        Thelma persévérait, variant sa gestuelle, ses expressions. Elle ne semblait pas disposée à renoncer, gardant en tête qu'il finirait par saisir ce qu'elle voulait lui communiquer. Constantin quant à lui, affichait une mine désolée tout en se répétant intérieurement que les chances qu'il avait de la comprendre s'amoindrissaient d'instant en instant. Même son cerveau commençait à ramollir.

        La sirène changea de stratégie, prise d'empathie en devinant l'opinion lamentable qu'il avait de lui-même. Tournée vers le rebord, elle collecta des cailloux qu'elle assembla en vue de dessiner quelque chose. Elle regrettait amèrement de ne pas avoir emporté son carnet en quittant sa cité, lequel lui aurait facilité la tâche. Constantin sourit d'émotion en l'observant faire. Rapidement, l'esquisse d'un trident fut façonnée, que Thelma compléta par des détails impressionnants d'ombres et de perspectives. Le jeune homme s'étonna d'abord de la précision de l'image, élaborée avec des outils si rudimentaires, quand soudain, il crut saisir sa signification.

        -C'est une arme ! Tu veux que je m'arme pour me défendre contre les pirates !

        L'intonation de Constantin semblait encourageante. La sirène était optimiste quant à un début d'entente.

        -Mais j'ai déjà ce vieux couteau, affirma-t-il en présentant fièrement l'arme. J'ai conscience qu'il ne paye pas de mine mais... il a le mérite de t'avoir effrayée tout à l'heure !

        Le jeune homme se mit à rire avec sympathie. L'espoir de Thelma s'écroula dans la seconde, au même titre que son expression faciale.

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Aquatilia ~ Le secret de la perditionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant