Aquatilia ~ Le secret de la perdition

Partie II/26

        Cinq Xenoriens nageaient dans les eaux sombres de la mer. Leurs ceintures et leurs fourreaux étaient remplis d'armes et d'accessoires.

        -Nous approchons, parla Argos.

        L'expression des jumeaux était ferme, infaillible.

        -Je sais que ce genre de mission nous est très peu familier. Mais courage. Nous pouvons réussir, entendu ?

        Les deux guerrières présentes hochèrent la tête. Il s'agissait de Philea et d'Ursine.

        -Souvenez-vous. Soyez comme des ombres. Les humains dorment à l'heure qu'il est.

        Le lit de la surface se rapprochait.

        -Et surtout rappelez-vous. Il vous est permis de tuer, s'il le faut.

        Le silence qui régnait à l'extérieur était total. Les visages des Xenoriens émergèrent des flots. Tout à coup, ils se retrouvèrent face au Lynx qui se tenait debout, à bord d'une chaloupe. Les guerriers dégainèrent spontanément lances et couteaux, prêts à passer à l'offensive. Mais le Lynx ne sembla pas craindre la menace. Il s'accroupit calmement puis s'approcha des créatures pour leur murmurer quelques mots. Ces dernières tombèrent des nues en découvrant qu'elles pouvaient le comprendre. Les sirènes écoutèrent alors très attentivement.

***

        Constantin et le Lynx patientaient, accroupis, observant le pont depuis la poupe où ils restaient cachés. Le bruit des vagues avait succédé au son de l'accordéon. Quant aux rires qui s'étaient propagés à des dizaines de mètres à la ronde, ils avaient laissé place à une tripotée de ronflements.

        -La plupart des hommes ont beaucoup bu, parla le Lynx à voix basse. Ils ne se réveilleront pas cette nuit, pas tant que c'est calme.

        Le saké avait fini par avoir raison de V et de l'asiatique. Ils dormaient d'un sommeil de plomb, affalés l'un sur l'autre. Gai-Luron et ses deux acolytes du soir avaient aussi été vaincus par la boisson. Ils s'étaient effondrés, ivres-morts.

        Pendant ce temps, les Xenoriens escaladèrent le navire à la seule force de leurs bras.

        -Tu penses que tout le monde dort, ajouta le Lynx, mais ce n'est pas le cas. Douze hommes montent secrètement la garde. Neuf sur le pont et trois en soute.

        Constantin inspecta nerveusement le pont, impatient de repérer les pirates dont il était question.

        -À bâbord, il y a trois hommes adossés au bastingage. Trois autres à tribord. Et contre chacun des trois mâts, un homme attend. Ce sont eux que tu tueras, les trois.  

        -Et les autres ?

        -Ne te préoccupe pas des autres.

        Constantin signifia qu'il avait compris par un mouvement ferme de la tête. Au même moment, les sirènes crapahutaient pour accéder à la partie supérieure du navire. Guerriers et guerrières se séparèrent ensuite, se répartissant sur les deux flancs du navire. Leurs mains empoignaient les barres du bastingage tandis que le reste de leur corps tanguait dans le vide.

        -Vois-tu cet homme à l'accordéon ? Contre le mât principal.

        -Oui.

        -Observe-le. Il s'est endormi en jouant de son instrument. J'aime autant te prévenir, cet homme ne doit pas mourir. S'il se fait tuer, son corps se relâchera, l'accordéon retentira et cela réveillera tout l'équipage.