Thelma et Argos traversèrent en vitesse la cité d'Aquatilia. La sirène était impatiente, et tout aussi terrorisée, de connaître le fin mot de l'histoire.
Quand elle pénétra dans le temple, la jeune fille ne remarqua rien. Spontanément, elle chercha des réponses auprès d'Argos. Ce dernier demeurait stoïque, fixant droit devant lui. Soudain, elle comprit. La peur au ventre, elle tourna lentement la tête en direction de ce que le Xenorien regardait. Le sang de Thelma se glaça instantanément dans ses veines quand elle les vit enfin.
Sirènes et hommes-sirènes étaient des dizaines à s'amasser dans le renfoncement d'un mur, prisonniers des mailles acides d'un filet déployé et scellé dans la pierre.
Thelma poussa un hurlement en voyant leur visage. Bien qu'il s'agît des membres de son peuple, elle les reconnut à peine. Leur maigreur était saisissante. Ils avaient la peau sur les os. Leurs joues étaient creusées. Leur ossature ressortait sous forme de pointes. Ils avaient l'échine avachie et bloquée, offrant la vision détestable d'une colonne vertébrale épineuse. Le teint de leur peau était blême, ce qui contrastait avec des cernes innommables. Mais le plus alarmant restait leur comportement. Ils semblaient à l'agonie et débordaient pourtant d'énergie, une énergie agressive et féroce. Ils étaient comme tributaires d'un état d'extrême animosité. Ils se bousculaient furieusement, impuissants face à ce filet infranchissable. Leurs yeux semblaient habités par le mal, mais les sons qu'ils produisaient étaient pire encore. Ils crachaient des sifflements de serpents, des sifflements qui semblaient provenir du fond de leurs entrailles sèches.
-Ils sont maudits Thelma. Une malédiction s'est abattue sur Aquatilia à l'instant même où les lèvres du jeune humain ont rencontré les tiennes. Nous avons pu canaliser les premiers, temporairement je le crains. Nous ignorons encore si leur état va demeurer stable, ou bien empirer. Mais bientôt, tous les citoyens de cette cité subiront le même sort, toi y compris. Voilà pourquoi il doit mourir Thelma. Nous avons pour mission d'éliminer le jeune homme que tu as connu, pour la sauvegarde d'Aquatilia.
La sirène ne les avait pas quittés des yeux, elle n'avait pas même sourcillé. La violence de la scène l'avait assommée. Soudain, un cri effroyable brutalisa Thelma. Une des Aquatiliennes venait d'emboutir de plein fouet le filet. Sa peau fine et fragile se désagrégea instantanément au contact des mailles acides. Quand elle s'en décolla, des lambeaux de chair se détachèrent de ses os.
-C'est... c'est... baragouina Thelma. C'est un désastre ! Non ! Mais qu'est-ce que j'ai fait ?!
La jeune fille avait hurlé à la mort ces quelques mots en s'agitant comme une furie. Ses nerfs avaient lâché. Argos lui saisit les avant-bras pour l'immobiliser, et ainsi la calmer.
-Tu ne savais pas Thelma ! Comment aurais-tu pu savoir ? On ne t'a rien dit ! Tu n'as pas été avertie ! S'il doit y avoir un fautif dans cette cité Thelma, ce n'est pas toi !
Elle plongea dans les bras puissants d'Argos en s'effondrant de chagrin.
-Je ne veux pas qu'il meure !
La sirène s'agrippa au dirigeant xenorien, empoignant les bords de son armure.
-Je ne veux pas qu'il meure ! Je ne veux pas qu'il meure...
-Je sais Thelma... dit-il en l'enlaçant plus fort.
-Je... je ne veux pas qu'il meure...
Argos cajola la jeune fille, lui caressant les cheveux au gré de ses lamentations. Elle s'arracha soudain de son étreinte, puis posa sur lui un regard accusateur.
VOUS LISEZ
Aquatilia ~ Le secret de la perdition
ParanormaleXVII° siècle. Constantin rêve d'aventures. Mais quand on est le fils de l'Amiral de Port Royal, il est difficile d'échapper à ses obligations. Une violente dispute finit par éclater entre Constantin et son père. Le jeune homme fuit le nid familial...