Académie Ollphéist

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J'emprunte le bus pour me rendre au lycée, vêtue d'une chemise noire et d'un jean de la même teinte. Mon front repose contre la vitre, et je suis épuisée, comme souvent. Je sais déjà que je vais passer mon premier cours à somnoler, ce qui me vaudra une nouvelle heure de colle. Heureusement, aujourd'hui est mon dernier jour dans cet établissement, alors je n'aurai pas à m'inquiéter de ces punitions à l'avenir.

   J'ouvre les yeux en sentant l'autobus s'arrêter à mon arrêt habituel. Je saisis la lanière de mon sac et descends du bus. En franchissant le portail de l'école, je sens les regards des autres élèves se poser sur moi. Depuis l'incident, c'est toujours la même chose. Je me demande pourquoi je suis venue aujourd'hui, sachant que je partirai à midi.

   Aucun élève ne sait que je vais quitter l'école. Comment pourraient-ils être au courant ? Je n'ai parlé de mon départ qu'aux professeurs, leur demandant de ne pas ébruiter la nouvelle. La seule qui est au courant, c'est Katy, ma meilleure amie. Nous nous connaissons depuis le collège et avons toujours été inséparables. Elle a été là pour moi lorsque mes soi-disant amis m'ont tourné le dos.

   Soudain, je me retrouve par terre, écrasée par le poids de Katy qui me serre dans ses bras.

— Kat, tu m'étouffes.

— Je sais ! Je veux que ta dernière journée avec moi soit inoubliable !

— Pas si fort.

— Oups. Raille-t-elle. Nous avons jusqu'à midi, non ? Allons en ville, séchons les cours.

— Tes parents vont te tuer.

— Je m'en fiche, Thémis. Ma meilleure amie va partir en Irlande sans que je puisse la revoir avant longtemps. Je veux passer du temps avec elle avant cette tragédie !

   En réalité, je lui ai dit que je partais en Irlande, comme l'a suggéré Madame Widney, ma future directrice. Mais ce n'est pas en Irlande que je vais. Selon Madame Widney, je vais dans un autre monde, un monde où les humains n'existent pas. Est-ce que j'y ai ma place ? Selon elle, oui...

— Cesse de déprimer, Artémis ! Tu pars dans une excellente école avec l'opportunité de recommencer à zéro, sans m'oublier. Ajoute-t-elle. En revanche, je veux que nous nous appelions toutes les semaines au moins deux fois, plus si nous éprouvons ce besoin, l'une ou l'autre.

— Ça marche, même si je ne pense pas t'oublier. Tu es mon unique amie ici.

— Tu t'en feras d'autres.

— Tu sais comment je suis, Kat. Je suis loin d'être à l'aise avec les autres.

— Sois toi-même. Montre-leur ta joie de vivre, ton sens de l'humour merdique, ton honnêteté et toutes tes qualités. J'ai fait des recherches sur les Irlandais et-

— Katy, tu sais bien que je ne me livre pas facilement. J'observe toujours avant de me lier aux autres.

— C'est une de tes qualités, ça nous a évité bien des ennuis. Se marre-t-elle.

   Je lui souris pour montrer que je suis d'accord. Depuis petite, j'ai appris à me méfier des autres. L'orphelinat, avec ses enfants aussi immatures les uns que les autres, et les familles d'accueil diverses m'ont donné un sixième sens.

   Je ne dis pas que je n'étais pas turbulente ou immature. Je n'étais pas un modèle de calme, mais certaines expériences m'ont appris à me gérer seule. Les familles chez qui j'ai été placée n'étaient pas toujours des plus honorables, mais elles m'ont appris à être vigilante. Pourtant, il m'arrive encore de me faire bêtement avoir.