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Je pose mon plateau sur la table avant de m'installer sur le banc, jetant un coup d'œil à la petite équipe de quatre qui m'accompagne. Il est fascinant de voir comment ce groupe et les deux frères garous peuvent parfois se s'apprécier, tout en se détestant à d'autres moments.

  En levant les yeux, j'aperçois les trois chiens de l'enfer passer avec leurs plateaux pour s'installer plus loin. Théau affiche une expression étrange, comme s'il était contrarié. Qu'est-ce qui lui arrive ? Il semble perturbé.

   Je détourne le regard lorsqu'un coup de coude léger me ramène à la réalité. Océane prend la parole :

— Il y a quelque chose entre Théau et toi, non ?

— Pourquoi dis-tu ça ? C'est absurde.

— Pourtant, on dirait bien. Renchérie Christian avec un sourire en coin.

— Il a juste été très présent à une période difficile de ma vie. Je réponds, un peu inquiète pour lui.

— La période dont tu nous as parlé hier soir au bal ? Demande Aïsha, intriguée.

— Oui, c'est ça. Je continue à le regarder. Désolée, mais ce soir, je promets que je mangerai avec vous. Dis-je en me levant, plateau en main.

— Vas-y, ne t'inquiète pas. Reprend Océane en souriant. Va voir ton prince.

   Sans répondre, je me dirige vers la table où il est assis. Quand j'arrive, Théau lève la tête vers moi, tout aussi surpris que ses frères, Enes et Jorys.

— Qu'est-ce que tu fais là ? Me demande, mon premier véritable ami.

— Je viens manger. Si ma présence te dérange, je peux m'en aller. Je réponds en commençant à me lever.

   Il m'arrête et me force à m'asseoir à nouveau, un léger sourire aux lèvres. À ses côtés, il me donne un coup d'épaule affectueux en ricanant.

— Je pense que tu ne le dérangeras jamais. Le taquine Jorys.

— Ça, c'est clair ! Renchérit Enes.

— La ferme. Réplique Théau en riant. Thémis, tu mangeais avec la vampire, la sirène, l'ange et le démon. Je suis juste surpris que tu sois ici.

— J'avais envie de manger avec vous.

— Et la vraie raison. Élève-t-il un sourcil.

— Je voulais vraiment être ici, mais te voir contrarié m'a poussée à venir. J'avoue finalement.

— Je ne suis pas contrarié. Détourne-t-il le regard.

— Et la vérité. Je hausse un sourcil comme lui.

— Argh, c'est juste que quelque chose me tracasse depuis tout à l'heure. Celui avec qui tu as fait l'exercice tout à l'heure...

— Oui, et alors ?

— Je ne sais pas... Il n'a jamais été hostile avec personne, et pourtant, il t'a traité d'anomalie. Je ne comprends pas son comportement.

— Laisse tomber. Peut-être qu'étant différente de vous, il a simplement peur. C'est un mécanisme de défense. Certains fuient, et d'autres, comme ce Sylver, attaquent de front.

   Il pousse un soupir frustré.

— Ce n'est pas une excuse pour s'en prendre à toi. Ce n'est pas ta faute si on ne sait pas à quelle race tu appartiens.

— Allez, déride-toi un peu, c'est passé, et je doute qu'il revienne l'embête. Intervient Jorys en riant.

— Il a raison. J'ajoute.

— Tu sais au moins pourquoi il a raison ? Me demande Théau en riant.

— Non. Dis-je, légèrement confuse.

   Théau éclate de rire, et ses frères suivent le mouvement. Leur bonne humeur est contagieuse, et je sens que j'ai réussi à changer son humeur, même si c'est grâce à ses frères. Il me tape dans le dos et me secoue un peu par l'épaule.

— Arrête de torturer mon épaule.

   Je lui vire sa main. Même ses frères continuent de rire. Est-ce qu'ils se moquent de moi, ou est-ce que je rêve ? Je déguste mon plat en silence, attendant patiemment que leurs rires s'estompent.

   Soudain, une étrange sensation me parcourt l'échine. C'est extrêmement désagréable, et je sens mes poils se hérisser sur mes bras. Qu'est-ce que... Les rares fois où j'ai ressenti ça, quelque chose de grave s'est produit. Je lève la tête pour scruter les alentours, mais tout semble normal : tout le monde parle, mange, et rit. Rien n'indique que ce malaise est justifié. Il y a bien des barrières magiques autour de l'école, non ?

— Alors, Thémis, tu te plais ici ? Me demande Enes, brisant le silence.

   Je reporte mon attention sur les trois frères qui ont visiblement cessé de se moquer.

— Ça va pour le moment.

— Pour le moment ? Répète Jorys, intrigué.

— Je verrai bien ce que l'avenir me réserve. Il y a quelques jours, je n'aurais jamais imaginé rencontrer des personnes comme vous, ou même être ici. Et pourtant, me voilà, assise en compagnie de chiens de l'enfer.

— Assise en compagnie des meilleurs. Corrige fièrement l'aîné.

— Bien sûr. Je réplique avec une pointe de moquerie. Dis, Jorys, pourquoi as-tu dit que Sylver ne viendrait plus m'embêter.

— Aiden ne lui a pas mis un coup de pression lorsque tu étais là ?

— Si.

— Eh bien, Théau est allé lui en mettre un aussi.

   Je me tourne vers Théau, qui arbore un sourire fier. Je hausse les sourcils, surprise. Pourquoi ressentent-ils le besoin de faire ça ? Je peux comprendre Théau, mais Aiden... Je ne le connais que depuis hier, et encore. Pourtant, il est venu avertir Sylver qu'il aurait plus d'un chien à ses trousses s'il continuait.

— Pourquoi Aiden a-t-il fait ça ? Il n'avait aucune raison de le faire.

   Un silence gênant s'installe, que je n'aime pas du tout.

— Tu es attachante, et ce type doit s'être attaché à toi. Réponds mon ami. Ça ne m'étonnerait pas qu'il continue à vouloir te protéger.

— Pourquoi ? Je ne comprends pas, il ne me connaît ni d'Adam ni d'Eve.

— Tu comprendras plus tard.

— Qui sont Adam et Ève ? Demande Jorys, visiblement perdu.

— C'est deux personnages de la Terre.

— Est-ce que quelqu'un t'a parlé de cet après-midi ? Change de sujet Enes.

— Non, enfin, je sais qu'on a cours.

— Pas cet après-midi. C'est le jour où nous accueillons nos familles. Une fois par mois, elles viennent nous rendre visite, principalement pour faire le point sur le mois écoulé, nos progrès, mais aussi pour passer un moment ensemble. L'école organise un jeu, différent à chaque fois. Le mois dernier, c'était une chasse aux drapeaux. On devait capturer le drapeau des équipes adverses, en utilisant nos pouvoirs sans blesser gravement qui que ce soit.

— Je me demande ce qu'ils nous ont réservé aujourd'hui. Pense Enes à voix haute.

— Nous verrons bien.

   Un moment en famille... Un moment que je passerais seule.

≈≈≈

Académie OllphéistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant