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Madame Widney exige des explications, et je sens monter en moi une certaine appréhension. Je repasse mentalement les événements, cherchant à ne rien oublier, à lui raconter chaque détail, même ceux qui me semblent insignifiants.

— J'étais à l'orphelinat, sur Terre, dans la chambre que j'occupais étant plus jeune. Je me suis réveillé dans mon lit, mais quelque chose n'allait pas. Le silence était inhabituel. D'ordinaire, on entend toujours les enfants jouer ou courir dans les couloirs, et le bruit de leurs éclats de rire résonne souvent jusque dans le salon en bas. Inquiète, je suis descendu pour comprendre ce qui se passait, mais l'endroit était désert, comme abandonné. Puis, il y a eu ce bruit, venant d'en haut. Je suis monté et là, dans ma chambre, se tenait Madame Fridman, la directrice de l'orphelinat. Je précise pour ceux qui ne la connaissent pas. Cependant, quelque chose était différent. Elle a prononcé des paroles étranges et, sans prévenir, elle m'a giflé. Je lui ai demandé la raison de ce geste, et elle a répliqué que c'était parce que je m'étais enfui. Mais je n'avais fugué qu'une seule fois, et j'étais revenu grâce à Ash, un ami.

   Je remarque que les personnes présentes suivent attentivement mon récit, ce qui m'encourage à continuer.

— Ensuite, elle s'est mise à parler d'elle-même, affirmant qu'elle ressemblait à mon modèle féminin sur Terre et que cette chambre ne reflétait pas parfaitement qui j'étais. C'est à ce moment-là que j'ai compris que ce n'était pas réellement Madame Fridman devant moi, mais quelqu'un d'autre qui usurpait son apparence. Cet inconnu m'a dit que nous étions dans mon subconscient, et qu'il avait pensé que nous nous retrouverions dans un endroit où j'avais passé des siècles, pas sur Terre. Madame, j'ai 18 ans, et si j'avais vécu des siècles, je m'en souviendrais.

— Pas si ta mémoire a été effacée. Continue, je t'en prie.

— Je lui ai affirmé que j'avais 18 ans, mais il m'a contredit, soutenant que j'étais sa nièce et que lui, c'était mon oncle. Il a ajouté que j'allais fêter mes 4 612 ans dans une semaine. J'ai tenté de le raisonner, de lui faire comprendre qu'il se trompait de personne, mais il a insisté, me disant qu'il n'oublierait jamais mon visage. Il... il a tendu la main vers moi, et j'ai instinctivement reculé. Ça l'a rendu fou de rage, et il a dit que je le rejetais, encore une fois. C'est à ce moment-là qu'il s'est mis à m'étrangler et m'a jeté contre le mur. J'ai senti ma foudre intérieure bouillonner, prête à jaillir, mais rien n'est sorti... Et il m'a lancé cette menace : « Je t'aurai. Peu importe les protections de ton école ou la volonté de protection de mon frère et du tiens. Un jour, tu seras à moi, et ce jour approche. » Puis, je me suis réveillé.

— Peut-être que l'on t'a caché la vérité. Suggère Madame Tourel. Qui t'a raconté ton arrivée à l'orphelinat ?

— Madame Fridman. Il faut peut-être que je vous parle d'autre chose... Quand j'étais plus jeune, je faisais des rêves étranges dans lesquels j'avais un frère. Nous étions vêtus de chiton, et j'ai rêvé de lui de nouveau cette semaine... À l'époque, je pensais que c'était juste mon imagination, un désir de me créer une famille. Mais avec ce qui se passe maintenant, j'ai des doutes.

— Sur quoi comportaient ces rêves ? Demande Madame Widney.

— Généralement, j'étais avec cet homme, que j'ai appelé « mon frère » une fois. Pendant ces rêves, je vivais la scène, mais je n'avais aucun contrôle, comme si je n'étais qu'un spectateur dans mon propre corps.

— Peut-être des souvenirs. Murmure l'infirmière à l'oreille de la directrice.

— Des souvenirs ? Mais c'est parfaitement inimaginable ! Je me souviendrais d'avoir eu un frère et un père.

— Il faut tirer cela au clair. Déclare fermement Madame Widney. Artémis, dès demain matin, tu partiras sur Terre pour parler avec Madame Fridman. Tu emmèneras avec toi quatre élèves de confiance, des personnes discrètes sur cette affaire. Puis-je compter sur toi ?

   Je hoche la tête en signe d'accord. Elle insiste sur la nécessité de garder cette conversation secrète, ce qui a été dit ici doit rester entre ces murs. Je peux en parler aux quatre élèves que je choisirai, mais à personne d'autre.

   Tout le monde se disperse, sauf Madame Tourel, qui m'accompagne jusqu'à ma chambre. En arrivant, nous voyons Alix assise sur son lit, un livre de cours à la main. Comment peut-elle lire si le livre est à l'envers ?

   Lorsque la porte se referme derrière moi, celle de la salle de bain s'ouvre pour laisser entrer deux loups-garous. Je fixe Alix et la taquine en lui disant que sa lecture serait plus facile si le livre était à l'endroit.

   Je m'assois, épuisée, sur mon lit, tandis que les trois autres prennent place devant moi. Le loup-garou brun s'approche et inspecte mes blessures.

— Qui ? Grogne-t-il.

— Apparemment, ce serait mon oncle.

— Comment ça ? Tu nous as dit que tu n'avais aucune famille. Répond Aiden, surpris.

— Si, Aiden. Je n'en ai pas. Tout du moins jusqu'à présent, je n'en avais pas.

   Je leur raconte tout : mes rêves, l'attaque de mon soi-disant oncle dans mon subconscient, et demain.

— Est-ce que demain... Enfin, j'aimerais que vous m'accompagniez sur Terre pour voir mon ancienne directrice de l'orphelinat. Je dois lui poser des questions, comprendre comment elle m'a trouvé et emmené à l'orphelinat.

— Bien sûr qu'on t'accompagne. Répond Aiden avec enthousiasme. J'ai toujours voulu aller sur Terre, il paraît qu'il y a de jolies nana là-bas !

—  Je ne viens pas. Rétorque Alix en refusant catégoriquement. Je ne remettrai pas les pieds là-bas

— Pourquoi ? Demande Diego, intrigué.

— L'air y est infect, je peine à respirer. Répond-elle, un peu agacée.

— Et alors ? Si toi tu as du mal à respirer, nous, on va carrément mourir avec Diego. On a l'odorat le plus développé de tous les surnaturels confondus.

   Elle ronchonne un peu, puis finit par céder, demandant si nous serons seulement quatre à partir.

— Non, je vais aussi demander à Théau de venir. Il connaît déjà un peu la Terre, et je ne me vois pas y retourner sans lui..

   Diego grogne et s'éloigne pour s'asseoir sur le lit d'Alix, Qu'est-ce qu'il a ? Un sourire mesquin étire ses lèvres fines et rosées.

— Je vais de nouveau voir Vomito.

   Je grimace à mon tour en me souvenant de mon arrivée ici, et de cette fameuse téléportation qui m'avait rendu malade. D'ailleurs, je pensais qu'il se moquerait de moi plus souvent avec ce surnom, mais c'est quoi ? La quatrième fois seulement que je l'entends ?

— Pourquoi Vomito ? L'interroge Aiden, curieux.

— Comment êtes-vous arrivés ici ? Vous n'avez pas le droit de vous déplacer librement. Je change de sujet brusquement, comme on arrache un pansement.

— Ehbien, les profs étaient plus ou moins occupés avec toi, alors on en a profité.D'ailleurs, Diego, on devrait retourner dans notre chambre, le prof va passeret si on n'est pas couchés... Je n'ose pas imaginer ce qu'il va nous fairefaire cette fois. Répond Aiden en se dirigeant vers la fenêtre.

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Académie OllphéistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant