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Je ne parviens pas à fermer l'œil le reste de la nuit, obsédée par cet homme mystérieux qui hante mes pensées. La peur qu'il puisse à nouveau s'immiscer dans mon subconscient m'oppresse. Mais qu'est-ce qu'il veut exactement ? Pourquoi moi ? Qu'est-ce que je pourrais bien lui apporter ? Il affirme me désirer, mais pour quelle raison ? Et pourquoi mon père et mon frère s'acharnent-ils à me protéger de lui ? Je me sens complètement perdue, et je n'aspire qu'à une chose : obtenir des réponses au plus vite.

   Une main se pose doucement sur mon avant-bras, provoquant une décharge de frissons le long de ma peau. Je relève la tête, sortant brutalement de mes pensées pour croiser le regard bienveillant de Diego.

— Tu es songeuse. Ça va ?

— Oui. Tu es sûr de vouloir venir ? Vous êtes sûr ?

— Tu ne penses tout de même pas qu'on va rater l'opportunité d'aller sur Terre ! S'exclame Aiden, avec un enthousiasme contagieux.

   Je leur souris, mais mes pensées reviennent à Théau. Il a décliné ma demande... J'avais vraiment besoin de lui pour descendre sur Terre, mais il a ses raisons. Il ne peut pas abandonner ses frères, leur pouvoir de chien de l'enfer fonctionne mieux lorsqu'ils sont réunis. Si l'école est attaquée à nouveau, ils pourront unir leurs forces pour protéger les lieux.

— Les enfants, êtes-vous prêts ? Nous interpelle la directrice.

—Oui. Répondons-nous en cœur.

— Je viendrai vous récupérer dans dix heures. Elle active sa montre, puis ajoute en me tendant la seconde. Artémis, garde précieusement cette montre et ne t'en sépare sous aucun prétexte. Si vous appuyez sur ce bouton, je recevrai un signal. Ne l'utilisez qu'en cas de danger imminent, compris ?

   Nous acquiesçons tous. Comment a-t-elle obtenu ces gadgets technologiques ? Ils n'existent pas ici... Les a-t-elle pris sur Terre ? Peu importe, je l'attache à mon poignet sans poser de questions supplémentaires.

— Tenez-vous tous la main, ne vous lâchez pas.

   Madame Widney nous téléporte. Le voyage est un véritable grand huit, et dès que nous atterrissons, je ne peux m'empêcher de vomir, provoquant les rires de Diego.

—  Je ne sais pas où nous sommes, mes enfants, j'en suis désolée. Revenez ici dans dix heures. Si vous avez besoin de plus de temps, appuyez là pour ajouter une heure. Je recevrai sur ma montre le temps additionnel que vous aurez demandé.

   Puis, elle nous laisse. Comment peut-elle nous confier une simple montre sans nous donner plus d'informations ? Rien ?

— Cet air est infect ! Se plaint Ébène en se bouchant le nez. Comment fais-tu pour supporter ça ?

—  J'ai vécu ici pendant 18 ans, c'est une question d'habitude. Allez, ne perdons pas de temps.

   Nous sortons de la ruelle. Un homme passe devant nous et nous dévisage avec suspicion. Nous devons nous occuper de nos uniformes... Je dois trouver de l'argent. Mais où sommes-nous, exactement ? Une femme passe avec son enfant, et je décide de tenter ma chance.

— Excusez-moi, madame !

   Elle se tourne, mais en remarquant nos uniformes, elle accélère le pas, fuyant sans un mot.

— Quelle femme impolie. S'énerve Alix. Et on se demande pourquoi je ne voulais pas venir.

— Sur Terre, les uniformes scolaires n'existent plus. Et là où j'habitais, en porter un est souvent mal perçu. Je suppose qu'il en est de même ici.

   C'est compréhensible, surtout quand on sait que les délinquants s'en servent pour afficher leur appartenance à un gang...

   Je sors mon téléphone et vérifie la batterie : 4 %.

— Merde.

— Qu'est-ce que c'est ? Demande Diego, intrigué.

— C'est un téléphone. Il permet de communiquer avec des personnes à l'autre bout du monde, ou encore d'obtenir un plan de la ville. Le problème, c'est qu'il faut le recharger en électricité, et je n'ai pas pris mon chargeur...

— Et si tu le rechargeais toi-même ? Propose la sorcière, un brin malicieuse. Avec une légère décharge de foudre, tu devrais pouvoir le faire.

      Ce n'est pas bête ça, Ce n'est pas une mauvaise idée. Je laisse un flux subtil traverser mon doigt jusqu'à la prise d'alimentation. Mon téléphone vibre doucement, signalant qu'il est en charge. Je lève les yeux vers Alix, impressionnée par l'idée du siècle.

   Sans perdre de temps, je consulte le GPS. Nous sommes à 2h30 de ma ville. Je repère rapidement une banque à proximité et commence à marcher, suivie de mes trois compagnons surnaturels.

— Faites attention à ne pas révéler vos différences ici. Les gens pourraient devenir hystériques.

— Ne t'inquiète pas, nos capacités sont de toute façon réduites ici. Nous le ressentons. Pas toi ?

— Non... Vous le savez comment ?

— Une baisse d'énergie, comme une fatigue inhabituelle, comme si nous avions besoin de dormir pour récupérer nos forces. Comme tes pouvoirs se sont révélés ici, ça ne change probablement rien pour toi. Explique Aiden.

— Où est-ce qu'on va ? M'interroge Diego.

— À la banque. Je lui réponds, avant de détailler. C'est un lieu où l'on peut déposer ou retirer de l'argent. L'argent que l'on retire nous appartient ; la banque ne nous en donne pas gratuitement. Ici, on gagne de l'argent en travaillant ou par le biais de la famille, à Noël ou pour les anniversaires.

— Toi, tu as déjà travaillé, n'est-ce pas ? Suppose Aiden, devinant que je n'ai pas de famille et que si je vais retirer de l'argent, c'est parce que je l'ai mérité par mes propres moyens.

— Non, je n'ai jamais travaillé de ma vie. L'argent que je vais retirer provient de mes parents biologiques. Madame Fridman m'a raconté que j'ai été trouvée au bord de l'autoroute. Il y avait une enveloppe contenant beaucoup d'argent avec mon prénom inscrit dessus. La directrice m'a dit que cet argent avait été déposé sur un compte à mon nom, et j'en retire lorsque j'en ai besoin. Et aujourd'hui, j'en ai besoin.

   Arrivée à la banque, je demande à mes compagnons d'attendre dehors. Je préfère éviter toute situation incongrue. En attendant mon tour, une pensée m'effleure : je n'ai pas ma carte d'identité... Mais je me souviens qu'il est possible de retirer de l'argent à la borne. Je me dirige vers elle, les trois surnaturels sur mes talons. J'insère ma carte, entre mon code et retire 300 €, répartis en billets de 10, 20 et 50 euros.

— C'est ça, l'argent ? Ça ressemble à des feuilles. Observe Aiden, perplexe.

— Oui, pourquoi ? Comment est l'argent chez vous ?

— Nous avons des pièces, et notre monnaie s'appelle le Penia. Est-ce beaucoup, ce que tu as retiré ?

    Je hausse les épaules en fourrant les billets dans mon sac.

    Après un passage rapide en magasin pour nous changer, je déclare :

— Allons prendre le bus pour aller à la gare.

— Le quoi ?

— Le bus. C'est un moyen de transport collectif. Vous allez voir, ça va le faire.

   Si Diego vomit, j'aurai enfin un argument contre lui la prochaine fois qu'il se moquera de moi lors des téléportations.

   Je consulte Internet pour vérifier leshoraires des bus qui nous mèneront à l'orphelinat, et surtout à la gare.

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Académie OllphéistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant