Académie Ollphéist

•8•

Accompagnée par une femme tirée à quatre épingles, je me prépare à voir Madame Widney. Je sais que je vais me faire sermonner, alors je reste aussi discrète que possible.

— Pour être claire, c'est moi qui m'occupe de ton dossier. Comment appelle-t-on ce métier sur Terre déjà ? Demande-t-elle, pensive.

— Secrétaire ?

— Non... Ce rôle où quelqu'un s'occupe d'un orphelin, lui donne de l'argent de poche, l'emmène faire des activités. Continue-t-elle, réfléchissant à voix haute.

— Un parrain ? Une marraine ?

— Oui, voilà, du parrainage. Je suis en quelque sorte ta marraine, mais je ne te donnerai pas d'argent, et je ne t'emmènerai nulle part. Dit-elle d'un ton hautain.

— À quoi servez-vous alors ? Je réplique.

— Parle-moi autrement, jeune fille. Postillonne-t-elle, me faisant grimacer. Je m'occupe de ton dossier. Si tu fais quoi que ce soit, je le note ici, et cela te suivra jusqu'à ta mort. D'ailleurs, ce matin est déjà noté, tout comme l'incident d'il y a deux minutes. Ton niveau, tes progressions, et ton comportement avec tes camarades y seront également consignés.

— En gros, tout ce que je fais.

— Exactement, et je suis certaine que j'aurai beaucoup à noter.

   Je fronce les sourcils, prête à rétorquer, mais la porte devant nous s'ouvre sur la directrice.

— Vous pouvez disposer, Ella.

    Ella lui adresse un sourire hypocrite avant de s'en aller. Au moins, je connais son prénom. Madame Widney me fait signe d'entrer, ce que je fais sans tarder.

    La pièce est simple, un grand bureau trône au centre, flanqué de deux sièges côté à la porte, et un autre près de la fenêtre. Elle s'assied dans celui-ci et m'invite à prendre place en face d'elle. Derrière elle, une fenêtre offre une vue sur la forêt, tandis que des étagères remplies de classeurs rangés par couleur couvrent le mur.

— J'imagine que tu sais pourquoi tu es ici. Commence-t-elle.

— Oui.

— Bien. Chaque fois que tu utilises ton don de manière dangereuse, c'est sous l'emprise d'une émotion forte. La première fois, sur Terre, tu l'as utilisé parce que tu étais en colère et apeurée. La deuxième fois, ici, tu étais gênée.

—  J'ai aussi eu peur, peur pour la fille. Je murmure.

— Je t'ai laissé faire parce que tu n'aurais pas causé beaucoup de mal à Morane, et visiblement, tu as su gérer en l'éloignant.

   Elle a eu confiance... Confiance en moi ? Vraiment ?

—  La troisième fois, pendant ton cours, tu as eu peur de ce que tu pouvais faire. Tu as mis en danger tes camarades, ton professeur, et toi-même. Cela ne doit plus se reproduire. Dit-elle, le ton ferme.

   Je baisse la tête, incapable de me défendre, car elle a entièrement raison.

— Tout à l'heure, tu as blessé un professeur. Ton don est bien plus puissant que ce que j'avais imaginé. Madame Tourel est un fantôme, ta magie n'aurait jamais dû l'affecter. Ce n'est pas ta faute, Artémis. Nous ne savions pas. C'est pourquoi tu auras une heure de plus chaque jour pour t'exercer et mieux contrôler ton pouvoir. Ton don est aussi redoutable que magnifique. Tu dois apprendre à ne faire qu'un avec lui, ne pas en avoir peur.