Hero tire trois cartes, comme il le fait toujours pour savoir où diriger sa monture. Son percheron blanc d'ailleurs est attaché à un chêne, en train de mâchonner des racines et des herbes sèches, tandis que son maitre retourne les cartes sur un large rocher à la lumière de la lune.
Maison-Dieu, l'Abbesse et le Pendu. Hero se frotte le menton, puis tire de son manteau un instrument de cuivre en forme d'équerre et le tend vers le ciel bardé d'étoiles.
Longtemps, il observe le ciel et le scrute en divers endroits. Les astres lui indiquent de se diriger vers sa région natale. Voilà 5 ans qu'il n'y est pas retourné, ou peut-être davantage.
Hero
Elle est belle, malgré les petites rides qui apparaissent déjà sur son visage. Ce sont surtout ses cheveux épais, noirs et soyeux que j'aime particulièrement. Ses yeux sont bleus et ses lèvres fines. C'est cette femme, cette grande magicienne, que je retrouverai là-bas. C'est elle qui m'a appris tout ce que je sais de la magie, et de la divination surtout. Essentiellement la divination en réalité. J'aurais dû rester toute ma vie auprès d'elle pour en apprendre tous les secrets, et quand bien même, je n'aurai que caressé ce qu'il y a à savoir. Cette femme magnifique, je l'ai quittée au bout de dix ans, quand elle a commencé à vieillir. Elle avait alors presque l'âge de mon père quand il est mort, et je ne voulais pas assister à sa fin.
Et quand je repense à elle, je revois son visage lors de notre rencontre. Je songe à cette femme qui m'a tout donné, et à qui j'ai tout pris, égoïstement, jusqu'à l'instrument qui me permet de lire les étoiles. Cet objet même, je lui ai volé.
Il se réveille, couché près de son cheval. Le soleil pointe à peine à l'horizon et entre la cime des arbres. En ouvrant sa paume, Hero se rend compte qu'il s'est encore endormi avec l'équerre de cuivre dans la main. Après avoir déjeuné chichement, il se met en route. Une petite bruine s'installe, qui rafraichit son visage par intermittences.
Le soleil est haut dans le ciel lorsqu'il aperçoit les premières maisons en rondins et toits de paille tressée. Des femmes sont dehors à battre les peaux et les tissus. Il trotte devant le forgeron tapant sur l'enclume, dont le feu est à ciel ouvert. Sur les parois de sa forge sont accrochés toutes sortes d'ustensiles en fer, en cuivre et même quelques bijoux dont un bracelet en or.
Hero
Aux alentours de midi, je suis arrivé dans le village. Il était devenu conséquent depuis ma dernière visite, on y comptait maintenant plus d'une centaine de maisons. Depuis mon cheval, je pouvais même distinguer les fumées des villages voisins, qui s'étaient considérablement rapprochés. Je ne savais pas très bien ce que je cherchais, mais j'étais confiant. Comme à chaque fois, la Providence saurait guider mon chemin.
Je m'installais dans la taverne du village, où il faisait toujours bon passer du temps en attendant le destin. D'ailleurs il n'arriva rien ce jour-là.
Je discutais avec quelques ivrognes et avec le tenancier, un homme bien trop sec et lugubre pour le métier qu'il exerçait, et aussi avec la fille de ce dernier, qui sans être vraiment belle, avait au moins l'avantage de la fraîcheur et de la jeunesse. Le soir venu, je demandais une chambre à l'établissement, également établi comme auberge.
Alors que je terminai ma troisième coupe de cervoise, j'ouvris la porte pour respirer l'air frais du dehors - il commençait à faire chaud comme dans un four et sous ma chemise. Mon cheval piaffait et renâclait, signe que quelque chose le perturbait. Alors je sentis sous mes pieds une vibration, presque un grondement et bientôt l'entendit très nettement.
Sa corne à moitié vide à la main, renversant son contenu à gauche et à droite, Hero court vers la source d'agitation et s'arrête devant une haute maison toute tremblante, maison possédant un étage, chose rare dans ce village et ailleurs. De la poussière s'échappe par volutes des rondins de bois malmenés.
Hero lape la dernière gorgée de cervoise et accroche le récipient à sa ceinture, s'essuie la bouche du revers de la main. Face à lui, une femme et son bébé en pleurs sortent en trombe du logis, lorsque soudain, le grondement s'arrête.
La jeune mère vacillante s'efforce de calmer l'enfant en le berçant contre sa poitrine, mais rien n'y fait. En s'approchant, Hero remarque un étrange tatouage sur son poignet, une sorte de O et de C entrelacés. Aussitôt, il se met à scruter son visage, son allure.
Ils sont bientôt rejoints par un homme qui semble être le père de famille et deux petits garçons endormis, qui se frottent encore les yeux. Eux aussi portent peint sur leur bras le même motif. Il cherche dans le visage du père quelque chose, la couleur des yeux, le dessin de la bouche peut-être. Ce dernier jette à l'intrus un regard glacial alors que Hero détaille sa figure. En dehors des yeux bleus, mais qui apparaissent presque marrons, et peut-être de son expression sauvage, il ne reconnait rien, en lui ou ses enfants, de la magicienne de ses souvenirs.
![](https://img.wattpad.com/cover/30023435-288-k899357.jpg)
VOUS LISEZ
L'odeur de la cendre
FantasyLa magicienne Bana a fui après une erreur de jeunesse qui a rendu infirme la fille du comte. Un jour, une vieille connaissance vient la trouver dans sa maison près du marécage. Hero est beau, mystérieux et il ne vient pas seul. Il lui confie un peti...