Muggen s'aventure parmi les chênes et les sapins, écrasant des tapis d'aiguilles, à l'affût de champignons entre les racines des arbres. Entre les troncs, une lumière bleue colore à peine la nuit. Dans une heure, ce sera l'aube.
Avec les champignons il ramasse des glands et quelques plantes qu'il sait bénéfiques pour certains maux de tête.
Tout d'un coup, un grognement tonitruant s'échappe de son ventre, réclamant pitance. En farfouillant dans le bout de tissu accroché à sa ceinture, Muggen trouve de quoi contenter son estomac et mâchouille un champignon cru, en espérant qu'il ait bon goût. Il l'aurait tout de même préféré cuit.
Au sortir de la forêt, il s'arrête, ébloui par le lever du soleil et place une main devant son visage. Il revoit les chardons qui bordaient sa route, lors de son dernier voyage avec Hero mais hésite à s'y rendre. Il se rappelle le visage triste de Bana devant le foyer, à l'annonce de son départ imminent. Il n'a pas pensé à remercier Bana et elle a pourtant été un bon maître pour lui.
S'il avait réellement souhaité devenir magicien, s'entend. Hero ne lui avait pas vraiment demandé son avis. D'ailleurs est-ce que ce n'était pas bizarre qu'il vienne l'enlever à sa famille pour le confier à Bana ? Pour quelle raison ? En quoi cela pouvait-il lui importer ? Est-ce qu'ils avaient manigancé tous les deux ?
Heureusement il n'est plus temps de se poser toutes ces questions. Muggen rentre chez lui aujourd'hui.
Il s'aventure sur le chemin sortant de la forêt, conscient d'être désormais visible de loin car plus aucun arbre ne vient masquer sa présence. Les bois s'arrêtent net près d'une route de terre bordée d'herbes sèches sur des lieues à la ronde.
Au bout d'un kilomètre, parcouru à pas prudents et la peur au ventre, il reconnaît l'exact bosquet près duquel Hero s'était arrêté pour lui passer la poudre sur la langue, et en profite pour faire une pause, malmené par son estomac qui soudain le brûle.
Il se masse le ventre, conscient de n'avoir que peu mangé, et rien qui puisse susciter de telles aigreurs d'estomac. Pris d'une intuition, il fouille dans sa besace et examine les champignons. Les lamelles ne sont pas jaunes mais blanches, et le chapeau compte quelques points blancs, qu'il n'a pas vus à cause de la pénombre dans la forêt.
Quel idiot ! Quel imbécile ! Il essaie de se faire vomir, mais déjà la faiblesse et la fièvre remplissent ses bras. Il tangue. Qu'a dit Bana déjà sur les effets néfastes de ce champignon ? Qu'il est mortel ? Ses jambes deviennent elles aussi comme du coton, et il commence à s'affaisser.
Dans un élan de sauvegarde personnelle, Muggen se traîne derrière un grand bosquet avant de s'écrouler, dans l'espoir que personne ne le remarque au bord du chemin. Il prie pour que ce ne soit qu'un mauvais moment à passer, un évanouissement de courte durée.
Par malheur, il tombe inconscient en laissant ses pieds dépasser du fourré. Il ne faut que quelques instants avant que des garnements s'amusant dans les abords du village remarquent les deux formes humaines qui s'en échappent et décident de le tourner dans tous les sens, à la recherche d'un objet à voler.
Leur victime n'est pas une proie de choix et ils en sont réduits à le dépouiller d'une poignée de champignons et de graines et d'une sacoche en cuir cousue à son veston contenant une belle plume aux reflets mordorés.
L'un des deux gamins en crache par terre de dépit.
Une vibration soudain se propage autour de l'homme-buisson, faisant fuir lapins, souris et mulots. Elle se mue peu à peu en grondement d'orage.
Un lapin détale devant les pieds d'un vieux braconnier venu récolter les résultats de ses pièges.
- Qu'est-ce ?
Il remonte à contre-sens l'afflux d'insectes et de petits animaux pour déterminer la cause de cette fureur, et profite de l'affolement pour attraper au vol la queue d'un écureuil. Le rongeur se tortille et mord et griffe mais l'homme lui brise le cou d'un craquement sec et fourre son menu gibier dans sa besace.
Quelques dizaines de mètres plus loin, à la source du torrent animal, il distingue en plissant les yeux deux chaussures d'enfant en peau dépassant d'un fourré épineux. Derrière le buisson est étendu un simple garçon au visage rouge, et de l'écume au coin de la bouche.
La rage sans doute. La terre ne semble pas vouloir s'arrêter de trembler, maintenant que le braconnier se trouve au cœur des secousses.
Il se gratte le menton, pensif.
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L'odeur de la cendre
FantasyLa magicienne Bana a fui après une erreur de jeunesse qui a rendu infirme la fille du comte. Un jour, une vieille connaissance vient la trouver dans sa maison près du marécage. Hero est beau, mystérieux et il ne vient pas seul. Il lui confie un peti...
