Il n'aura pas fallu moins de deux années avant que l'usurpatrice de Bana soit découverte. Lorsque le roi apprend la tromperie, après une audience privée avec le comte de Caban, le sort de la pauvre paysanne est rapidement raccourci d'une tête.
Le comte envoie alors des hommes dans le village, mais tous ces habitants lui affirment que la magicienne n'est pas réapparue depuis leur première expédition deux ans plus tôt. La maison dans la forêt est désormais occupée par une jeune fille rousse, qu'ils prennent pour sorcière.
- Reste en place, tu pourras disparaître comme à l'accoutumée dès que j'en aurai terminé avec cette satanée couture ! siffle Bana.
Agenouillée devant une toute jeune fille longiligne, elle place des aiguilles dans un tissu bleu marine pour fixer l'ourlet du bas. Celle-ci ne tient pas en place et jette des coups d'oeil dans tous les coins.
- Ce n'est pas ma faute s'ils ne peuvent pas se retenir de loucher sur mes chevilles !
- Je sais bien, mais tu crées des conflits. Qu'est-ce que c'est qu'un peu de tissu pour te cacher de leurs regards ?
- Je m'en fiche, du moment que ça ne me retient pas toute la matinée.
- Honnêtement, je ne me serais pas occupée de te coudre une robe si tu ne jetais pas des cailloux à cette bande de jeunes vilains. Tu me fais perdre mon temps aussi, sache-le.
Nonoh serre les lèvres. Elle sait bien qu'elle n'est pas la pupille préférée de Bana. Son préféré, c'est le petit Muggen, le charmant et si doué Muggen. Ce n'est pas grave, elle a d'autres plans et n'a besoin de personne pour les accomplir.
- Voilà, maintenant lève les bras, tu peux remettre ta vieille robe et t'enfuir dans les bois sans explication. Je vais finir de coudre celle-là pendant ce temps.
Nonoh ne se le fait pas dire deux fois et Bana n'a même pas le temps d'attraper du fil que la porte a déjà claqué derrière la jeune rebelle. Elle soupire et secoue la tête.
Lorsque le soleil est bien haut dans le ciel, elle apporte un pain aux châtaignes à Muggen pour compléter son déjeuner à l'atelier. Les portions que lui octroie son maître sont un peu maigres à son goût pour un garçon en pleine croissance et qui travaille dur. Il est encore tout malingre et noueux mais bien râblé, un homme avec la taille d'un enfant.
A son arrivée, son maître et le compagnon se lèvent pour la saluer. Les deux hommes sont toujours intimidés par la venue de la jeune femme. Ils ne sont que compliments et sourires jusqu'à son départ.
Muggen, en train de mâcher un oignon, l'aperçoit et jette prestement une couverture sur un bloc de bois noir. Elle s'assoit entre lui et Titaud, un autre apprenti arrivé l'année dernière du village voisin. Il porte de méchantes marques sur les bras.
- Que t'es-tu fait ? demande la magicienne.
- Rien, dit-il en baissant la tête. Des accidents de bois.
- C'est Nonoh qui lui a lancé des pierres l'autre jour, intervient Muggen.
- Ah ! Que voulez-vous, c'est un tempérament. Mais oublions cela, je vous ai amené un pain aux châtaignes.
Elle coupe la miche en deux et en tend une moitié à chacun. Elle les regarde manger un moment, avant de demander à Titaud de s'éloigner un instant le temps de demander quelque chose à Muggen.
- J'espère que ce n'est pas à propos de la sauvageonne.
- Je sais que tu as de la peine pour ton ami, mais il n'a que ce qu'il mérite. Nonoh ne fait que se défendre après tout. Et oui, c'est à propos d'elle.
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L'odeur de la cendre
FantasyLa magicienne Bana a fui après une erreur de jeunesse qui a rendu infirme la fille du comte. Un jour, une vieille connaissance vient la trouver dans sa maison près du marécage. Hero est beau, mystérieux et il ne vient pas seul. Il lui confie un peti...
