Abandonnée

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Quand Muggen apparaît devant la maison, il remarque tout de suite la porte défoncée, et se précipite à l'intérieur. La pièce est sans dessus dessous, les chaises dispersées, certaines avec des pieds brisés et des casseroles jonchant le sol. Il est anéanti. Le garçon s'évapore et appelle les adultes à l'étage. Il réapparait au rez-de-chaussée, la mine longue.

Il ressort, fait le tour de la maison. Comment a t-il pu les manquer ?

Les traces autour du marécage sont fraîches. Il rejoint immédiatement Nonoh qui l'attend, assise sur le buffet, la tête dans les mains.

- Tu es déjà de retour ? Pourquoi ?

- Viens.

Avec cette simple injonction, elle a compris. Il est arrivé trop tard. Plutôt, elle l'a prévenu trop tard. Revenus tous les deux dans la maison sur pilotis, Nonoh s'accroupit près de la cuisinière et passe son doigt sur un carreau taché de rouge.

- Ils les ont blessés.

- Il faut qu'on suive leurs traces.

- Oui. Va récupérer les manteaux, je prends de quoi manger. Muggen attends !

- Quoi ?

- Tu devrais ramener ton buffet ici. Il va s'abîmer s'il reste dans la forêt.

Le garçon aux cheveux gris hoche la tête. Il comprend ce qu'elle veut dire et disparaît. Nonoh reste un moment sans bouger, avant de se diriger lentement vers un coffre à la recherche de fruits et de viande séchés.

Dans le meuble, elle trouve un tissu plié avec soin et l'étend devant elle. C'est une belle robe orange en satin et en lin, très ouvragée mais qui a l'air pourtant très agréable à porter. Elle caresse l'étoffe, et retourne fureter dans le coffre. Elle y déniche aussi le pain d'épices, emballé dans un torchon, que Bana prépare toujours pour son anniversaire et décide de l'ajouter à leur sacoche de vivres.

- La robe aussi, tu devrais la ranger.

Elle sursaute car elle n'a pas entendu Muggen revenir. Il a déjà enfilé son manteau de laine épaisse, celui pour la dure saison même s'ils sont encore en été, et lui tend le sien. Le buffet, gravé aux motifs de soleils et de lunes, est posé en plein milieu de la pièce. Elle replie la robe et la range dedans. Elle regarde une dernière fois leurs visages sculptés sur les quatre façades du meuble.

- On peut les retrouver vite, mais il faudra qu'on marche un moment, le temps de réfléchir à un plan.

Cela fait presque une heure qu'ils suivent les empreintes laissées par les chevaux des ravisseurs. Ça et là ils les trouvent accompagnées d'une goutte de sang. Nonoh et Muggen tentent de se rassurer en se disant qu'ils ne doivent être que légèrement blessés, sinon les gouttes seraient plus nombreuses.

- On n'a pas d'armes, et je ne sais rien faire, énonce Nonoh.

- On sait se battre. Pas aussi bien qu'un chevalier, mais suffisamment. Je peux facilement leur subtiliser leurs armes et les blesser avec.

- Et si je me fais attraper, ils vont m'assommer.

- Ce sera ton moment de briller, Nonoh.

- Mais je ne suis pas aussi forte que toi. J'aimerais. Je ne sais pas ce que j'ai fait avec cet éclair, et les boules de feu, c'était une incantation, je ne saurai pas le refaire.

- Il faudra bien qu'on y arrive.

- Ou alors on pourrait attendre qu'ils dorment.

- En admettant qu'ils dorment.

- Oui.

La jolie rousse soupire et donne un coup de pied dans un caillou. Muggen ne fait pas attention aux branches qui lui griffent les bras et les jambes, la tête baissée dans ses réflexions.

- C'est l'occasion de montrer à Bana qu'elle nous a bien formés Nonoh.

- Toi, oui.

Le garçon s'arrête et se tourne face à elle.

- Ecoute, je crois en toi. Ça fait trois ans que tu t'entraines non ? Tu ne sais pas RIEN faire. Le vrai problème, c'est de parvenir à ne pas trop blesser tes frères.

- Pourquoi ?

- Parce que ce sont tes frères... Tu t'en fiches ?

- Je suis sûre que ces crétins ont acheté leur chevalerie. Oui je m'en fiche.

- Notre intervention devrait en être facilitée alors.

- Avec l'argent de notre père c'est sûr.

- De quoi ?

- Pour payer leur armure. Je leur ai bien rendu service.

Elle s'évertue à écraser les empreintes des chevaux en marquant la terre du poids de ses propres chaussures. Le soleil bat son plein et elle essuie son front moite.


L'odeur de la cendreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant