Bana s'étend sur le sol à côté du buffet. Il est froid et pourtant elle se roule en boule et s'enlace elle-même. Aqhat s'inquiète de la voir enfler sous le poids de ses larmes. Il s'allonge par terre et s'installe entre ses bras.
- Ne pleure pas, Bana ! Tu vas devenir grosse comme une baleine !
Elle voudrait rire, mais le chagrin la submerge. Son corps s'enfonce dans le sol comme s'il était fait de boue, comme si elle se laissait sombrer dans du sable mouvant. La pièce tourne autour d'elle. C'est à peine si la petite voix fluette se fraye un chemin jusqu'à son cerveau. Il lui presse les côtes avec insistance.
- Tu vas remplir la pièce et on sera coincés !
Elle penche la tête vers Aqhat pour lui jeter un regard noir, mais ses grands yeux sont remplis d'étoiles comme ceux d'un agneau. Et tant qu'elle le regarde, elle n'a plus l'esprit morbide.
En face d'elle, il y a le coffre gravé par Muggen. Elle a besoin de ce meuble où leurs quatre visages sont présents, et dans lequel elle a retrouvé la jolie robe qu'elle avait achetée pour Nonoh, sans connaître exactement le jour de son anniversaire. Elle est presque sûre que la jolie rousse l'a vue, car elle se souvenait de l'avoir pliée différemment.
Sur le côté droit du meuble, Muggen a gravé son visage, avec son éternelle frange qui lui donne un air strict, et des joues qui lui paraissent un peu trop creuses par rapport à ce qu'elle voit dans le miroir. Sur chacun des côtés, il s'est représenté avec Nonoh, et sur le dessus, on peut voir la maison, et le marécage sur lequel elle est perchée.
Muggen n'ayant pas eu le temps de vernir le coffre, c'est Hero qui s'en est chargé, pendant que Bana dormait toute la sainte journée. Quand enfin cela lui avait paru dans ses capacités, elle avait découvert le beau bois brillant et s'était abîmée dans sa contemplation jusqu'à ce qu'elle réalise, en observant le visage de la dernière façade, que Hero était parti.
Elle aimerait beaucoup qu'il revienne et emporte ce bahut hors de sa vue, sans le détruire, juste le cacher quelque part. Aqhat suit son regard. Il passe la main sur le relief, les visages et les éléments gravés, admiratif.
- C'est tellement doux !
Bana sourit. Dehors, le soleil est éclatant et les rayons se déplacent peu à peu dans la cuisine, pour la strier toute entière. En sentant la chaleur l'atteindre, elle pense à Nonoh. Ce soleil, c'est peut-être elle, lui envoyant un message, essayant de la consoler.
Elle sort devant la maison, et s'assoit sur le banc, laissant la lumière l'envelopper et la bercer. Aqhat la rejoint quelques secondes plus tard, et elle l'aide à s'asseoir à côté d'elle.
- Je ne t'ai pas demandé, Aqhat. Quel métier veux-tu exercer quand tu seras grand ?
- Je veux être meunier !
- Ah bon ! Pourquoi ?
- C'est le plus riche du village, quelle question. Il a la plus belle maison. Et un moulin. J'adore les moulins !
- C'est vrai qu'ils ont la plus belle maison du village. J'y suis déjà entrée et ça m'avait l'air très confortable.
- Tu vois là-bas ?
- Où ça ?
- Entre les arbres là !
Il pointe une direction en face d'eux, baignée de lumière au point qu'on ne distingue pas grand-chose. Mais on entend les pas d'un cheval, "clapaclop, clapaclop".
Avant même de le voir, elle sait que Hero est revenu. Enfin.
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L'odeur de la cendre
FantasyLa magicienne Bana a fui après une erreur de jeunesse qui a rendu infirme la fille du comte. Un jour, une vieille connaissance vient la trouver dans sa maison près du marécage. Hero est beau, mystérieux et il ne vient pas seul. Il lui confie un peti...
