Le Geek Ultime (2. Intertwined Destinies)

Butterflies and hurricanes - 4

            Pourquoi suis-je là ? Ce n'était pas une si bonne idée. Fais demi-tour Angus, tu n'as pas le droit de lui faire ça. Ce n'est pas raisonnable. Au diable la raison ! De toute manière, je ne peux plus faire marche arrière. C'est trop tard. Elle ne comprendrait pas pourquoi je quitterai la maison, sa maison.

- Je suis bientôt prête. Où allons-nous ?

J'ai pris la place de mon homonyme et j'attendais Sophie. Nous avons prévu de manger en amoureux au restaurant. J'ai pris une décision inconsciente que je vais probablement regretter un jour.

Ces derniers temps, je n'ai pas pu m'empêcher de revenir la voir. Je l'observais quand elle se promenait dans les rues de San Francisco, quand elle allait à son cours de yoga le mardi mais aussi le jeudi, quand elle sortait avec ses amies et parfois même quand elle s'endormait. C'était comme une drogue, il me fallait ma dose de Sophie. Je ne pensais pas aller jusqu'à reprendre ma place auprès d'elle. Avant la conversation que j'avais eue avec mon ex-patron, j'avais essayé de recommencer une vie normale en Alaska, loin de toute civilisation. Je me suis très vite ennuyé de mon amour. Quand il m'avait conseillé de vivre pour moi, de faire ce dont j'avais réellement envie, j'avais donc décidé de venir l'observer. De temps en temps dans un premier temps, puis de plus en plus souvent jusqu'à ce que ça devienne une obsession. Ne pas pouvoir être avec elle me rongeait de l'intérieur. Je sentais mon cœur se serré dans ma poitrine quand je m'éloignais trop longtemps. Je ne supportais pas l'idée d'une vie sans mon amour. Je guettais sa silhouette à travers ses rideaux depuis le toit de la maison faisant face à la sienne. Un vrai détraqué passible d'une condamnation pour voyeurisme. J'avais totalement perdu la raison. Je ne me contrôlais plus. J'aurais damné mon âme pour un de ses sourires, une des ses paroles, un message d'elle mais il ignorait tout de mon existence. Son âme sœur vivait déjà avec elle et c'était insurmontable à vivre. J'étais tiraillé entre la résignation et l'espoir de pourvoir un jour être de nouveau à ses côtés. Je n'étais pas prêt à faire une croix sur elle. Sophie illuminait ma vie. Avant elle, je n'avais jamais rien ressenti d'aussi fort, d'aussi pur. Nous étions en osmose. Une seule âme dotée de deux corps. Elle avait ce don de me rendre heureux rien qu'avec son rire. Pas besoin de mots, sa présence suffisait. Ses yeux se plissaient quand nous nous embrassions exprimant tout l'amour qu'elle me vouait. Elle faisait vibrer tout mon être et depuis ce jour fatidique à Brooklyn, je me sentais vide. Une partie de moi était morte mais ne demandait qu'à revivre ce bonheur intense.

L'idée m'avait traversé l'esprit d'éliminer Angus et de le remplacer. Elle avait germé en moi et grandit jusqu'à occuper une place importante. La folie s'était emparée de moi. Après tout, elle n'y aurait vu que du feu. J'avais failli passer à l'acte alors que mon alter-égo était seul mais je me suis ravisé au dernier moment. Je n'ai pas pu tuer mon reflet. Je me suis aussi rappelé de ma mère. Elle avait condamné vivement le meurtre commis par Er-Wann, même s'il n'avait pas été prémédité. Que penserait-elle de cet acte odieux que j'envisageais ? La vérité finirait par ressurgir, peu importe comment et je ne voulais pas qu'on puisse me détester pour cela. Et le premier concerné était moi, je n'aurais pas pu vivre avec ce poids sur les épaules. Je devais faire le deuil de mon couple. Je devais m'y résigné et c'était vraiment ce que je comptais faire quand une occasion s'est présentée. Une occasion de pouvoir être heureux. Ne serais-ce que quelques instants.

Ce matin, Angus est parti à Los Angeles pour la journée et revient tard dans la nuit dans son foyer. Il est consultant sur le film adapté de notre livre. Son avion atterrira à San Francisco ce soir à vingt-trois heures quarante-sept. En comptant le trajet depuis l'aéroport jusqu'à Sausalito, il devrait être chez lui un peu avant une heure du matin. Je n'ai pas longtemps réfléchi, j'aurais peut-être dû, et je me suis présenté à leur appartement à la nuit tombé. Me faisant passé pour mon double, je lui ai expliqué que la réunion avait pris moins de temps que prévu et que j'avais pu attraper un avion qui partait plus tôt. Aussi nulle soit-elle, cette histoire avait marché.