Over the hills and far away - 1

49 17 8
                                    

            Je ne pensais pas que Shaka puisse être aussi paranoïaque. Je ne prenais pas sa peur d'être suivie au sérieux mais je dois reconnaître que ça l'angoisse beaucoup. Pour rejoindre l'Islande nous avons fait des détours sur la moitié du globe pour qu'il soit certain que nous ne soyons pas pistés. De qui a-t-il peur ? Il ne nous le dira pas. Je n'ai pas besoin d'être devin pour penser que cette elfe rousse, Nausicaa n'est pas étrangère à cette affaire. Takeshi a fait jouer tous les contacts sordides de son père pour éviter que nous soyons suivis à la trace. C'est ainsi que nous avons d'abord transité par le Brésil où Monsieur Kobayashi senior, père de Tak, était ami avec un membre d'un cartel spécialisé dans le commerce de drogues diverses. Nous avons poursuivi notre route vers le Botswana chez un trafiquant de diamant qui nous a permis de rejoindre la Russie chez un de ses amis dont les principales activités sont la prostitution et la vente d'arme. Ce dernier nous a aidés à aller à Berlin où un politicien véreux nous a affrété un avion pour Reykjavik. Grâce à Takeshi nous avons eu le droit à un panel de tout ce qui peut se faire d'ignoble à travers la planète. Ça nous a pris quinze jours pour rejoindre la capitale islandaise. Chaque escale durait plusieurs jours où nous profitions de l'hospitalité de tout ce beau monde. C'est ainsi que nous avons dormi plusieurs nuits entourés d'hommes armés de kalachnikov dans une villa à São Paulo, un hôtel de luxe à Gaborone, une isba traditionnelle russe près de Saint Petersburg et enfin la demeure du politicien dans la banlieue berlinoise. Ça aurait pu être culturellement intéressant mais nous n'avons pas pu visiter aucune de ces villes. Nous étions à chaque fois assignés à résidence par ces vermines qui exploitent sans scrupules leurs prochains. Nous avons fait l'excursion qu'aucun tour operator n'oserait proposer à ses clients ou alors sous le nom « Human Horror Tour ». L'être humain est tellement pourri qu'il y aurait forcement quelqu'un pour apprécier ce genre de voyage ignoble. Nous avons été obligés de le faire à cause des craintes de Shaka. J'espère vraiment que ça en valait le coup et qu'effectivement personne n'a réussi à nous filer le train. Je ne souhaite plus jamais refaire ce genre de périple dans ce que l'homme peut proposer de plus nauséabond.

Durant cette virée, personne n'a semblé surpris de voir un être comme Shaka. Ces hommes ont bien souvent l'habitude de faire transiter des choses étranges pour de riches clients et savent fermer les yeux sur le buisines des autres. Savent-ils qui je suis ? Ont-ils lu mon livre ? Cela m'étonnerait car s'ils l'avaient fait, ils auraient su que Shaka était un elfe et il serait en ce moment dans une cage, en vente au plus offrant. Deux ou trois fois, ses oreilles furent visibles par d'autres personnes et cela n'a suscité aucune réaction de leur part. Ils ont dû penser que Shaka était un riche excentrique avec ses costumes de marque, probablement fuyant les autorités de son pays d'origine. Ce qui n'est pas tout à fait faux si on considère la Lune comme une possession terrestre. A qui appartient-elle ? Je crois savoir qu'aucune nation ne peut se déclarer propriétaire d'un astre. Aucun homme ne peut alors la posséder. Je me rappelle pourtant qu'on m'a raconté l'histoire d'un américain qui a profité d'une faille dans l'acte signée par les différents pays de l'ONU. Il a réclamé « en tant qu'individu » la propriété de terrains extra-terrestres sur Mars, Io et bien sûr la Lune. Il n'a eu aucune réponse, sûrement parce qu'il n'a pas été pris au sérieux. Sa demande n'a donc jamais été contestée. Et c'est là où cette histoire devient incroyable mais aussi pitoyable. Il s'est autoproclamé président du gouvernement galactique et peut vendre des parcelles à qui il veut en toute légalité. Le pire est qu'il trouve des acheteurs. Encore une preuve que notre monde ne tourne pas rond. Nous devrions renommer la Terre en planète Pognon car il n'y a plus que ça qui compte. Je suis persuadé que les elfes devraient faire une demande pour être reconnus comme une race terrienne par les Nations Unis pour pouvoir prétendre demander un bail pour vivre sur notre satellite et finir par payer un loyer à ce charmant monsieur qui a été moins con qu'une assemblée de représentants. Je pense aussi que les amis de mon nouvel ami aux oreilles pointues n'en ont rien à faire de ce genre de décision débile que pourrait prendre les hommes les concernant.

Après toutes nos péripéties, nous sommes enfin arrivé en Islande, une île de plus à mon palmarès après Yonaguni, Eastern Island et Okushiri. De tous les lieux où je suis allé, je peux dire que c'est ici qu'il y a les plus beaux paysages. Du moins, le peu que j'en ai vu car Shaka ne nous pas laissé de temps pour faire du tourisme depuis que nous avons atterri. Nous avons loué une voiture avec de faux passeports fournies par Tak, sur lesquels nous nous appelons Michael De Santa, Franklin Clinton et Trevor Philips qui sont les noms des personnages du jeu vidéo GTA V. Je me suis récupéré celui du psychopathe de service. J'ai été surpris que nous soyons passés sans problème à la douane islandaise. J'ai souvent tendance à oublier que tout le monde n'est pas aussi geek que Takeshi et moi.

Depuis plusieurs heures, nous suivons la route longeant la côte sud de l'île depuis la capitale. Elle est tout juste assez large pour que deux voitures puissent se croiser. Cette bande d'asphalte se situe entre mer et montagne et nous traversons des panoramas d'une beauté à couper le souffle. Le vert des plaines tranche avec le bleu glaciale de l'atlantique nord. Au loin, nous apercevons des glaciers à flanc de volcans endormis. J'espère qu'un d'entre eux ne va pas avoir la merveilleuse idée de se réveiller car je ne souhaite pas revivre une éruption comme sur l'Île de Pâques. Ceux-ci ont l'air plus dangereux, de type explosif plus qu'effusif. Je vais plutôt tourner mon regard côté océan pour observer tous les petits icebergs qui flotte à sa surface. Les reflets du soleil leur donnent un aspect spectral aux couleurs changeantes, tantôt transparent puis blanc et enfin un bleu hésitant entre le violacé et le turquoise. Qu'importe là où mon regard se pose, je suis dans un décor de carte postale.

Nous passons devant quelques habitations au toit rouge isolées. Il y a aussi des hôtels perdus au milieu de grands espaces vierges dont un qui m'a rappelé l'Overlook Hotel de Shining. Je ne m'y serais pas arrêter pour la nuit car j'ai eu la frousse de ma vie quand j'ai lu ce livre de Stephen King et je n'étais pas plus fier quand j'ai visionné son adaptation par Stanley Kubrick. A part ces quelques édifices, la plupart du temps, il n'y a rien sur des kilomètres, nous donnant l'impression de conduire sur une route sans fin digne d'un épisode de la Quatrième dimension. J'oscille entre l'éblouissement face à la nature préservée telle qu'elle devait l'être à l'aube de notre planète, à l'époque où il n'y avait pas d'hommes, et le malaise que me procure tout ce vide de civilisation.

Jusqu'où allons-nous ? Shaka ne m'a pas encore demandé d'utiliser le livre des Gardiens. Il à l'air de savoir où il va mais n'a apparemment aucune envie de partager cette information avec nous. Cela fait déjà quatre heures que nous roulons. Nous nous rapprochons de lieux plus glacés que ceux que nous venons de traverser. Sans nous parler, l'elfe met son clignotant pour tourner à gauche vers un petit hameau reculé de quelques maisons situées au pied d'une montagne enneigée. Il est écrit Hof sur le panneau indicateur.

- Hof. Pourquoi nous arrêter ici ? Tu es sûr de toi ?

- Hof signifie « temple » en islandais, m'indique Shaka.

- Ce que nous cherchons serait indiqué par un panneau de signalisation, s'étonne Tak. 

- Le hasard fait parfois bien les choses.

Le Geek Ultime (2. Intertwined Destinies)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant