Over the hills and far away - 7

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            Joplin pose son véhicule devant une petite maison entourée d'arbres. Elle n'a rien de moderne, ses murs sont composés de rondins de bois et son toit est recouvert de mousse, un véritable chalet savoyard. Elle me rappelle des vacances d'été avec mes parents à Megève quand j'avais huit ans. Un plan d'eau couleur émeraude se situe sur le côté de la bâtisse. Une brise légère fait onduler sa surface. L'endroit est paisible comme un épisode de La petite maison dans la prairie. Je m'attends à voir Charles Ingalls sortir de la forêt les bras chargés de fagots. Je rejoins ma sœur lorsqu'elle parlait de havre de paix, c'est exactement ce que c'est. Léonard De Vinci disait que la simplicité est la sophistication suprême. Notre société aurait beaucoup à apprendre de ce foyer, surtout les Hommes qui pensent que le clinquant est l'apanage du beau. J'ai traversé beaucoup de région du globe et c'est à l'autre bout de l'univers que je trouve le paradis. Il existe probablement des maisons identiques sur Terre mais je n'étais pas dans les mêmes dispositions pour les apprécier à leur juste valeur. Suite à ma dépression, notre périple parmi la lie de l'humanité pour rejoindre l'Islande et la violence avec laquelle nous avons été séparés de Shaka, je venais à douter de ma capacité à me réjouir des petites choses simples de la vie comme l'émotion que peut procurer la vision d'un paysage. Il est bon d'être dans un lieu où la beauté s'exprime dans la pureté.

Une vieille dame sort de la maison et vient à notre rencontre. Je mets du temps à réaliser qu'elle est ma mère. Tout comme moi, elle a vieilli. Ces cheveux blonds sont devenus blancs. Je reconnais cette fossette au coin de sa bouche. Elle avait disparu de ma mémoire et c'est grâce au saut dans le temps que j'ai fait au Venezuela que je m'en suis souvenu. C'est étrange ce que la mémoire choisit d'occulter. Je me souviens parfaitement de la teinte de bleu de ses yeux. Dans mon enfance, mon attention devait se concentrer sur eux. C'est elle. Lorraine, ma mère. Elle que je croyais perdu à jamais. Je ne peux contenir mes larmes. Plus rien n'existe autour de moi que cette femme. Je cours vers elle et elle m'ouvre ses bras. Elle aussi est en pleur. Notre étreinte est intense. Je me sens bien tout contre son cœur. Chaque battement résonne dans mon corps comme une onde de chaleur. Son odeur est à elle seule un magnifique ticket pour le pays du bonheur passé. Je suis redevenu le petit Angus réclamant chaque soir au moment du coucher de pouvoir enfouir sa tête dans la chevelure de cette femme. Je l'aime. Elle m'a tellement manqué. Je voudrais que cet instant soit éternel.

- Mon tout petit, dit-elle dans un sanglot.

Je ne suis plus physiquement depuis longtemps cet enfant qu'elle a perdu mais dans mon cœur il persistera toute ma vie. Je me laisse câliner par ma mère comme si j'avais de nouveau dix ans. Elle passe sa main dans mes cheveux. Ses sanglots se joignent aux miens. Je n'ai jamais vécu de moments aussi intense en émotions positives. Je me résous pourtant y mettre fin car une question me taraude l'esprit depuis que je sais qu'elle est en vie. Je l'écarte doucement de moi pour pouvoir voir son visage.

- Maman. Pourquoi n'es-tu pas venu me chercher ?

- Ce n'est pas un sujet dont on doit parler sur le pas d'une porte.

- Je DOIS savoir.

C'est un cri de désespoir qui est sorti de ma gorge. Sa réponse peut être terrible pour moi, me détruire psychologiquement pour toujours. J'imagine le pire. Elle a décidé de refaire sa vie loin de son ancienne famille car je n'étais pas l'enfant qu'elle espérait et depuis m'a remplacé par une petite sœur répondant à ses exigences de mère. Je me fais tout sorte de films, tous aussi ridicules les uns que les autres. Je sais qu'elle m'aimait. Que s'est-il passé pour qu'elle ne puisse pas rejoindre son fils ?

Elle me prend par les épaules et me regarde droit dans les yeux.

- Mon ange. Cette communauté n'a jamais voulu que je passe le portail. Leur loi stupide m'excluant des personnes autorisées. Je ne suis pas native de New Gaïa et je n'ai aucun droit. J'ai plusieurs fois sollicité le conseil leur rappelant que je suis terrienne et que je ne demandais qu'à retourner chez moi. J'ai été confronté à un mur dépourvu de compassion. « La loi est la loi », voilà ce qu'on m'a dit. Je leur ai demandé de faire passer un message pour toi. Il n'y avait rien à faire. Je n'ai jamais cessé de penser à toi Angus. Tu as toujours été dans mon cœur. Je me demandais ce que tu faisais, si tu m'avais oublié. Et un jour, tout New Gaïa a su que quelqu'un avait ouvert des anciens temples datant de l'origine de l'homme. La véritable origine, celle commune aux terriens et aux gaïens, pas celle que tu as apprises dans les livres d'histoire à l'école.

- Je la connais maman. Un ami me l'a conté.

- Je ne saurais te dire comment mais j'étais persuadé que tu étais celui qui avait fait cette découverte. J'ai demandé confirmation auprès du grand conseil qui avait eu cette information par les elfes. Angus Lelion était le nouveau gardien de la connaissance. J'étais fière. Tu es exceptionnel mon fils et tu étais promis à avoir un destin tout aussi extraordinaire. Tu n'en as pas encore toute la mesure. Tu sais, je n'ai pas choisi de vivre ici sans toi. A vrai dire, je n'ai même pas choisi de vivre encore. Quelqu'un a pris ces décisions pour moi.

Ma mère m'aime et m'a toujours aimé. C'est la seule information qui importe pour l'instant. Ça n'a pas dû être facile pour elle de ne pas pouvoir rejoindre son enfant de dix ans. Elle a vécu seule à des millions d'années-lumière de son foyer. Je ne peux imaginer combien ça a dut être difficile pour elle. Plus que pour moi ? Je la croyais morte, je ne fondais aucun espoir de la revoir. Elle me savait en vie, orphelin. Sans pouvoir avoir de mes nouvelles, sa douleur devait être immense. Elle devait le ressentir jusque dans ses chairs. De ce qu'elle me dit, je comprends aussi qu'elle n'a pas eu la maîtrise de son destin. Comment est-elle arrivé si loin de chez elle ? Qui a choisi pour elle ?

- Je pensais mourir dans cet accident d'avion. Et c'est ce qui s'est produit. Mais il y a eu un miracle. Quelqu'un est revenu dans le temps spécialement pour moi. Pour que je vive.

Ce qu'elle me raconte est incroyable. Shaka m'avait dit qu'il y avait eu un précédent à la mission que j'entreprends pour sauver Sophie. Une personne avait remonté le temps pour empêcher un décès. Quelqu'un de plus fort, de plus rapide que la mort elle-même. Et là, j'apprends que c'est arrivé à ma mère. Le précédent c'était elle. Il n'y a pas de coïncidence. L'elfe savait. Il y avait une chance sur combien que l'histoire se répète et que je doive faire pour mon amour ce que quelqu'un d'autre avait fait pour ma mère. Avec cette révélation, malgré les distances, l'univers me semble tout petit. Je dois rencontrer son sauveur pour savoir comment il a réalisé cet exploit.

- Qui était-ce ? Qui t'as sauvé ?

J'attends sa réponse fébrilement.

- Ton véritable père. 

Le Geek Ultime (2. Intertwined Destinies)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant