Chapitre 3 - Louve

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Les bras croisés, je conserve soigneusement un visage impassible et contemple le paysage, qui défile sous mes yeux à une vitesse hallucinante.

Ma réaction agace fortement le plus jeune des soldats, qui tente vainement de faire la conversation avec moi. S'il croit que je vais finir par craquer et lui raconter ma vie, il se fourre le doigt dans l'œil.

« Arrête de lui poser la question, elle ne va pas te répondre... » soupire un des hommes à l'avant, l'air exaspéré. « Ça ne sert à rien de s'acharner dessus. Celle-là respirer, Hugo. »

Un mince sourire se forme sur mes lèvres. Il y a de l'espoir : l'un d'eux est un peu moins débile que les autres. Alléluia, nous sommes sauvés.

« On dirait une gamine qui boude, sans déconner... » grogne-t-il en s'éloignant de moi, croisant les bras à son tour. « Elle n'a pas ouvert la bouche depuis... »

« Je veux bien parler, mais c'est moi qui vais poser les questions... » je le coupe avec conviction, attirant l'attention de tout le monde. « Tout d'abord, où est-ce qu'on va ? »

Un silence s'en suit, et c'est très mauvais signe.

Mince, ils ne peuvent pas juste se contenter de me répondre sans réfléchir ? Ils sont assez intelligents pour se dire que c'est peut-être une mauvaise idée de tout me dire, alors ? 

Quelque part, je comprends leur hésitation. Si mon père apprend qu'ils ont tout balancé, il les tuera – oui oui, j'ai arrêté de me voiler la face vis-à-vis du métier de mon père depuis longtemps. Ça a été difficile à accepter quand je l'ai découvert, mais maintenant j'évite juste de penser au fait qu'il est payé pour manier une arme à feu.

Heureusement pour mes cinq gardes du corps, je suis pourvue d'une quantité non-négligeable de qualité. J'ai bon cœur, alors je ne dirai jamais à mon père qu'ils auront fini par me dire ce secret.

Parce qu'ils finiront par me la dire, cette vérité que mon père tient tant à me cacher. J'obtiens toujours ce que je veux, alors ils cracheront le morceau. Avant qu'on arrive là où on doit aller.

« Vous voulez que je répète plus lentement ? » je demande en arquant un sourcil, plus dédaigneuse que je ne l'ai jamais été. « Si c'est trop compliqué pour vous, je peux toujours chercher des mots moins difficiles à comprendre et essayer de traduire dans votre langue de pauvres abrutis. »

« T'es sérieuse ? » s'indigne alors le soldat qui doit avoir mon âge, avant de bougonner à l'adresse de ses collègues. « Cette gamine est vraiment une sale... »

« On va dans une forêt. » répond le seul soldat à peu près intelligent, plongeant son regard dans le mien pour me faire taire. « Tu n'as pas besoin de savoir la quelle, et de toute façon, tu ne la connais probablement pas. Contente ? »

Je croise le bras et soutiens son regard sans ciller une seconde.

Quand je dis qu'il est intelligent ! Lui a bien compris que c'était peine perdue – je crois que c'est mon préféré des cinq. Il va tout me balancer – rien que pour ça, je l'adore !

« Pas vraiment, non... » je m'agace tout de même, impatiente. « Qu'est-ce qu'on va faire dans une forêt ? Vous allez tous me violer un par un et me laisser mourir mangée par des ours ? »

« Quelle bonne idée ! »

Le soldat fusille son collègue du regard en même temps que moi, et ce dernier se met à rire avec un véritable amusement.

Je hais ce genre de blague – est-ce qu'on peut vraiment appeler ça une blague, d'ailleurs ? Il faudrait déjà que ce soit drôle pour que s'en soit une.

La louve et le rebelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant