La louve et le rebelle

Chapitre 43 - Louve

« Reste tranquille... » je râle, alors que Nathaël s'agite à côté de moi. « Tu vas nous faire repérer. »

Sacha a refusé de nous laisser approcher du champ de bataille à proprement parler. Je boude d'ailleurs mon frère depuis qu'il a décrété que nous étions, je cite un enfant inconscient et une hybride impulsive qui savent à peine tenir sur leurs jambes. En d'autres termes, deux boulets.

Mais cachée derrière notre tronc d'arbre, à dix bons mètres de l'endroit où se battent les deux loups les plus proches, je guette tout de même.

Robin est relativement proche de notre cachette. Un peu à l'écart des autres combats, il se bat contre un loup de la meute de mon père que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam. Moi qui pensais que mon père travaillait plus ou moins seul, j'ai réalisé il y a peu que ce n'était absolument pas le cas.

En revanche, je n'ai pas vu Rebel pour le moment. J'en suis étonnée – suite aux propos de Sacha, je pensais le trouver en train d'étrangler mon demi-frère. J'ai été déçue de voir que Robin, qui est tout de même en très mauvaise posture selon moi, est sur le point de perdre face à un loup qui n'a peut-être pas idée de l'ordure qu'il est réellement.

« Alors ? » demande Nathaël derrière moi, insupportable depuis que je lui ai interdit de sortir la tête du buisson qui le cache. « Tu vois Tonton ? Ou Maman ? »

Il a failli nous faire repérer tout à l'heure. Pour notre survie à tous les deux, j'ai estimé qu'il était plus prudent que je me charge seule de m'assurer que notre meute – ainsi que celle de mon père, si je puis dire – se défend. 

Comme si je pouvais y changer quelque chose. 

« Je n'en ai vu aucun des deux pour l'instant. » je répète, probablement pour la quatrième fois en cinq minutes. « Je te le dirai quand ce sera le cas, Nathaël. »

En vérité, je commence également à m'impatienter. Pas pour Aglaë, évidemment. Moins je vois cette menteuse, mieux je me porte.

Mais je meurs d'envie de voir de Rebel, de savoir ce qu'il fait. Il me manque depuis des semaines et maintenant que je suis là et que mon père est assurément trop occupé à se battre pour m'empêcher de le voir, je ne parviens pas à le trouver. Ça a quelque chose de terriblement frustrant.

Il n'y a toutefois pas de quoi s'inquiéter. Mon âme-sœur est certainement en train de faire sa fête au dénommé Babacar – le pauvre était certainement détesté par ses parents avant même de naître, pour avoir hérité d'un prénom pareil – et de toute façon, je sais par-dessus tout que je l'aurais senti s'il lui était arrivé quelque chose.

Je sursaute quand tout à coup, Robin prend l'avantage et embroche sauvagement le loup avec qui il se battait. Il a utilisé pour cela une cruelle branche cassée qui dépassait d'un tronc d'arbre en arrière-plan. Je réalise sur-le-champ qu'il va mourir, et cette hypothèse ne tarde pas à être confirmée.

J'ai beau ne pas connaître ce pauvre homme, je hoquette de stupeur quand Robin lui mord une patte si fort qu'il lui arrache en partie.

Me détournant du combat et me recroquevillant sur moi-même, me cachant aussi vite que je le peux, je plaque immédiatement une main sur ma bouche.

Pourvu qu'il ne m'ait pas entendue...

Si mon demi-frère se précipite vers nous dans l'optique de nous faire subir le même sort, je ne saurais jamais protéger Nathaël – parce que même si ce dernier sait désormais se transformer en louveteau, il est loin d'être sorti d'affaire.

Heureusement, mon demi-frère n'a sans doute rien entendu puisque j'ai beau fermer les yeux aussi fort que je le peux et attendre mon heure, rien ne se passe. Face à moi, Nathaël a compris que l'heure était grave puisqu'il m'observe avec de grands yeux et semble retenir sa respiration.