Je suis mal. Depuis que Rebel est parti et m'a laissée seule dans cette maudite forêt, je me sens mal de toutes les façons possibles et inimaginables.
J'ai un atroce mal de crâne et un terrible mal de dos, tous deux liés à ma mauvaise chute de tout à l'heure. J'ai encore du mal à croire que Rebel ait osé s'en prendre physiquement à moi, et pourtant il l'a fait. Il me dégoûte à un point où j'en ai mal au cœur - rien que le fait de penser à lui me donne la nausée. Je me sens également très mal parce que je regrette ce que j'ai fait. Je suis toujours convaincue que ce n'est pas la fin du monde et Dieu sait que ce n'est pas ce que je souhaitais, mais j'ai été imprudente et le regrette terriblement. Mes parents me manquent, eux qui me pardonnaient sans cesse toutes mes maladresses parce qu'ils savaient que je ne voyais pas à mal.
Etendue sur l'herbe, les yeux clos et les mains croisées derrière la tête, j'essaie d'oublier.
Après tout, c'est comme ça que je fonctionne. Quand quelque chose de fort déplaisant risque de me faire déprimer – ou pire, de jouer sur ma santé mentale – je rassemble tout ce qu'il y a de positif dans ma vie et m'efforce de me noyer dans la satisfaction que cela me procure.
Je pense à la natation. Au sentiment de liberté qui m'habite quand je bouge dans l'eau, au fait que je serai bientôt en mesure de battre le record de France des cinquante et cent mètres. Je pense à la fierté que ressentiront mes parents quand j'aurai le baccalauréat avec la plus haute mention. Au fait que j'atteins la note maximale à tous les contrôles, au soulagement qui me gagne lorsque je connais exactement la réponse aux questions qui me sont posées. Je pense à ma mère. Au sourire qui illumine son visage chaque fois qu'elle me voit, au fait que je suis la seule à pouvoir lui faire oublier la souffrance qu'elle endure au quotidien.
Mais aujourd'hui, ça ne suffit pas.
Plus j'essaie de me le sortir de la tête, plus Rebel prend possession de mes pensées. Je revois son visage déformé par la rage, ses traits durs figés et sa plaie sanguinolente lui salir les cheveux. Je sens presque à nouveau sa poigne sur mon cou, souffre un peu plus chaque fois que je me remémore malgré moi ma chute.
Soudain, la douleur se fait plus forte et je me redresse d'un bond, agonisant et craintive. Je m'accroche au col de ma chemise comme pour l'empêcher de m'étouffer, parvenant à peine à éviter la crise d'angoisse.
Je ne me suis pas retournée, mais je sens qu'il est là. Ou du moins, je sens que sa colère est là. Enfouie en lui, cachée derrière la patience qu'il s'efforce d'avoir à mon égard, elle m'attaque en silence. Elle se heurte à mon corps tout entier, me consumant jusqu'à ce que la douleur soit telle que je ne ressente plus rien.
« Calme-toi... » soupire-t-il en s'agenouillant à mes côtés, claquant sa langue contre son palet quand je me détourne difficilement.
Il essaie doucement de m'attraper la main, mais je le repousse avec le peu de force qu'il me reste.
Je ne dois pas le regarder, surtout pas. Parce que ça me donnerait immédiatement envie de lui sauter dans les bras et de lui pardonner son erreur – ce qui ne doit pas arriver. Je ne peux pas lui céder. Je ne peux pas, c'est pour moi une question de vie ou de mort. Jamais – jamais, je ne lui pardonnerai le fait d'avoir levé la main sur moi. Impossible.
« Prend ma main. » grogne-t-il d'une voix animale, et mon corps effectue de lui-même un nouveau mouvement de recul. « Je ne te ferai pas de mal. »
Bien que mon cerveau soit encore embrumé par sa proximité et ses sentiments agressifs à mon égard, j'ai un sursaut à sa dernière phrase.
Il ne me fera pas de mal, vous avez entendu ? Il ne me fera pas de mal. La bonne blague. Il dit ça comme s'il ne m'avait pas déjà fait mal, c'est mignon.
VOUS LISEZ
La louve et le rebelle
WerewolfLouve est une jeune fille particulière. Aussi prétentieuse qu'intelligente, aussi belle que manipulatrice, elle a plus d'un tour dans son sac et gère toutes les situations avec sang-froid. Elle est toutefois prise de court quand son père la fait e...