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27 mars - Quelque part dans le massif corse

Gally ruminait. Il était plein de colère, plein de haine. Il n'avait qu'une mission, simple, si simple qu'il échouait déjà pour la troisième fois. Il était assis contre le mur de cette cave, les mains ficelées dans le dos, dans un noir total auquel ses yeux avaient eu bien du mal à s'adapter. Alby respirait près de lui et de temps en temps, il l'entendait bouger et laisser échapper un gémissement de douleur. Il était blessé. 

Ce tueur à gage c'était encore bien payé leurs têtes. Et Alby avait joué les malins. Et lui avait sans doute été un peu trop empathique. Il se détestait. Il détestait Alby. Il détestait ce blondinet qui lui filait sans cessa entre les doigts.

Ce stupide Minho ne savait pas tenir sa langue. Ils l'avaient pourtant menacer à grand renfort de canon pointé sur la tempe et de coups dans les côtes. Il ne fallait pas abîmer son visage bien sûr, sinon ses amis allaient se poser des questions. Alors Gally c'était occupé de cogner pendant qu'Alby faisait chanter Minho avec des informations qu'il avait bien évidemment pris soin de lui cacher, histoire de le ridiculiser un peu plus aux yeux de Janson. Il lui avait dit qu'il savait pour lui et cette Teresa, qu'ils allaient s'en prendre à elle si il ne faisait pas ce qu'on lui demandait et rapidement, Minho avait capitulé, Gally c'était senti con d'être passé à côté de choses si importantes et Alby lui avait offert un petit sourire satisfait. Il le détestait celui là. Mais heureusement pour eux, l'amour, ça faisait faire des conneries. 

Il connaissait bien ça lui aussi. Il faisait des conneries par amour, et des belles ! Cette traque dans laquelle il était lancé, c'était pour sa famille, sa femme et ses enfants qui attendaient de lui qu'il ramène un peu d'argent à la maison. Lorsqu'il s'était proposé à un emploie chez WCKD, il n'avait pas pensé un instant qu'il finirait un flingue à la main à courir les routes de France après un concurrent de son patron. Il avait fait des études, il avait un diplôme d'ingénieur, il aurait préféré imaginer les nouveaux produits de WCKD. Il avait commencé en bas de l'échelle, stagiaire d'abord puis il avait eu un petit boulot de bureau insignifiant. Janson l'avait remarqué, ils discutaient ensemble à la pause clope. Il était devenu son secrétaire, il avait découvert des secrets, des trucs louches de Janson. Il avait voulu partir, il avait pris peur. Ce n'était jamais bon de baigner dans des trucs bizarres et illégales. Surtout pas quand on est marié et que notre femme attend déjà notre premier enfant. C'est ce que pensait très fort Gally. Mais s'il quittait son emploi, il n'était pas sûr d'en trouver un autre rapidement. C'est ce qui l'avait freiné. Il s'apprêtait à être père, sa femme ne possédait qu'un emploi à temps partiel de vendeuse dans une boutique de vêtements. Ce salaire ne serait jamais suffisant pour nourrir trois bouches. Alors il était resté et comme Janson voulait s'assurer qu'il ne ferait pas de choses stupides comme une visite impromptue au poste de police, il avait doublé son salaire. Gally n'avait pas pu refuser. 

De là, il avait évolué rapidement. Il avait tué pour la première fois il y a trois ans. Il s'en souvenait parfaitement. C'était le jour de la naissance de son troisième enfant. Son fils adoré avait vu le jour une heure après qu'il ait pris une vie. Il avait vu là le signe d'un équilibre. Une vie qui disparaît, une autre qui naît. Il était bouleversé, tuer ce n'était pas rien. Il n'avait jamais cru devenir un meurtrier. Alors il s'était juré de chérir plus que tout cette vie qu'on lui confiait, comme si l'âme à qui il avait ôté la vie se réincarnait en son fils. Il voulait se racheter. 

C'était pour lui qu'il traquait ces stupides amoureux. C'était pour gagner son salaire et pouvoir le couvrir de cadeaux. Quand il reviendrait, il l'emmènerait jouer au parc de leur quartier. Il le pousserait sur la balançoire pour pouvoir entendre son rire. Ses deux autres enfants, ses deux filles se chamailleraient surement pour avoir le droit de faire de la balançoire elles aussi et il ne pourrait que les regarder avec amusement. Ses enfants lui manquaient. Sa femme lui manquait. Il l'avait laissé seule avec les enfants depuis cinq jours maintenant. Cinq jours pendant lesquels elle devait s'occuper d'eux et de la maison seule. Cinq jours alors qu'il lui avait assuré que ce ne serait que deux malheureuses journées. Elle allait lui en vouloir. Ce n'était pas la première fois qu'il partait pour une durée plus longue que prévue. Ils se disputaient souvent à cause de cela. Brenda lui reprochait de partir trop longtemps. Mais il ne pouvait pas faire autrement. C'était son travail. Un travail un peu spécial. Mais c'était comme ça. 

Elle lui manquait sa femme. 

" Faut qu'on sorte d'ici. marmonna-t-il. "

Alby ricana. 

" Et comment ? Si t'avais pas ridiculement fait preuve d'empathie on serait déjà sur la route du retour ! T'avais juste à lui foutre une balle et on était tranquille ! "

Alby n'avait pas tort, mais il détestait qu'on lui dise ce qu'il avait à faire. Il savait parfaitement qu'il s'était planté. Mais dans cette situation, il n'avait pas pu s'empêcher de se projeter à la place du blond. Ils s'aimaient ces deux là, c'était indéniable. A sa place, il n'aurait pas pu supporter de ne pas pouvoir dire aurevoir à sa femme. Il lui avait juste offert une chance. Il n'était pas totalement dépourvu d'humanité. Et après il les aurait tué tous les deux, histoire de se venger du temps précieux qu'ils lui faisaient perdre loin de sa famille. 

Il grinça des dents. Il voulait les revoir ses enfants, ses amours. Il fallait qu'il sorte d'ici et vite fait. Il se redressa alors sur le sol de la cave. Il avait une petite idée derrière la tête. Ca sentait le vieux vin ici, Minho devait bien avoir quelques bouteilles. Il avança alors prudemment à la recherche d'une étagère, d'une bouteille quelconque. Il tâtait le sol du pied, prenant garde à ne pas se cogner. Il chercha sur la longueur de la cave et au bout de quelques pas, son pied rencontra ce qui semblait être une étagère. Elle semblait fragile, un truc de premier prix surement. Elle bougea légèrement lorsqu'il la heurta à nouveau et du verre cliqueta. Il avait vu juste. Il se permit un sourire. 

Il se plaça dos à l'étagère sans se préoccuper d'Alby, toujours assis sur le sol, qui lui demandait ce qu'il foutait. Il fouilla l'étagère où ses mains avaient accès à la recherche d'une bouteille. Il rencontra du verre froid et poussiéreux et essaya de s'en saisir. La bouteille roula un peu sur le côté alors qu'il venait tout juste de s'en saisir. Il réessaya et cette fois la prit bien en main. Elle était pleine et lourde, il la sentait glisser entre ses doigts. Il se hâta de la briser d'un coup violent contre le mur à proximité. Il sentit le liquide contenu dans la bouteille se déverser sur ses vêtements. Il grimaça. Tant pis. Le verre avait explosé dans un tintement puissant, raisonnant dans la cave. 

" Tu fous quoi ?! s'écria Alby. 

- Je cherche un moyen de nous sortir de là. grinça-t-il entre ses dents. "

Il avait toujours le goulot brisé de la bouteille entre ses doigts. Il prit bien garde à ne pas le lâcher alors qu'il cherchait à avoir une meilleur prise sur le verre brisé. Il se tordit les poignets comme il put afin d'avoir accès à ses liens. Le verre brisé lui coupait la main. Cependant c'était le cadet de ses soucis. Il commença à frotter le morceau de verre brisé sur les cordes, les entamant lentement mais surement. Ca fonctionnait. De longues minutes plus tard, il se libérait de ses liens et en faisait de même avec Alby. 

Maintenant que le problème de leurs mains liées était résolu, il restait celui de la porte fermée à clef. Faute de moyen, Gally ne trouva pas d'autres solutions et se rua sur le panneau de bois. Il était solide, il y avait peu de chance pour qu'il le brise ainsi. Alby et sa jambe blessée ne pouvait pas l'aider.

" Laisse tomber. soupira son partenaire. T'y arrivera pas. "

Mais Gally n'y prêta pas attention. Il continua à se ruer contre la porte avec toujours plus de force. Un, deux, trois, quatre... Il avait mal à l'épaule, il se fatiguait et la porte ne bougeait pas d'un pouce. Mais il n'allait certainement pas arrêter. Il avait une mission à accomplir avant de retrouver ses enfants chéris. Il allait la mener à bien. 

La porte craqua au bout du vingtième coup, peut-être même que c'était le trentième, il avait cessé de compter. Seulement elle n'était pas encore ouverte, ce n'était qu'un signe de faiblesse. Un bon signe qui fit remonter un peu plus son courage. Il se rua sur la porte encore deux fois. Elle craqua à chaque fois. La deuxième fois, elle se fendit et leur laissa apercevoir un peu de lumière. Il la força une dernière fois avant de s'écrouler sur le carrelage de la maison dans un craquement sinistre et une volée d'écharde. Alby en bas éclata d'un rire surpris qu'il ait réussi. Il se releva péniblement, un grand sourire sur les lèvres. Il avait surement l'épaule démise pour qu'elle soit aussi douloureuse. Cependant, il n'avait pas plus de temps à perdre. Il aida Alby à remonter et ensemble, ils fouillèrent la maison de fond en comble. 

Il n'avait plus qu'à trouver où ces enfoirés s'étaient barrés.

Dernier contratOù les histoires vivent. Découvrez maintenant