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« Newt, où est-ce que tu vas ? »

L'interpellé suspendit son geste. Il garda le bras qui tenait sa veste en cuir en l'air et ferma les yeux en grimaçant. Il n'aimait vraiment pas ça. Il détestait ça même. Mais il n'avait pas le choix. Peu importe la brûlure de culpabilité qui prenait possession de son corps quand il lui mentait, c'était nécessaire. Il avait pourtant si honte de lui mentir. Ils vivaient ensemble depuis longtemps maintenant et ils s'apprêtaient même à se marier. Il aurait voulu tout lui dire. Mais il n'avait pas le choix. Il ferma les yeux et souffla doucement.

C'est pour son bien. Pour le protéger. Se répéta-t-il mentalement.

Après ça, il se retourna vers son fiancé avec un sourire factice et affronta ses yeux caramels sans laisser paraître un instant qu'il s'apprêtait à lui mentir. Thomas le dévisageait avec curiosité depuis le canapé, un livre dans les mains. Il était déjà prêt pour sa journée de travail bien qu'il ne commence que plus tard dans la matinée. Il était vêtu élégamment, comme n'importe quel homme d'affaire. Seuls ses cheveux restaient indisciplinés. Un doux sourire étirait ses lèvres fines et Newt faillit flancher. Il était tellement beau et lui tellement amoureux. Il en avait marre de mentir. Mais il devait le protéger alors il ne laissa pas glisser son masque.

« J'ai un entretien d'embauche. J'te l'avais pas dit ? »

Thomas fronça les sourcils tout en fouillant dans sa mémoire. Il ne pouvait pas s'en souvenir, Newt ne lui en avait pas parlé. Il secoua alors la tête puis haussa les épaules. Son sourire revint sur son visage et il se leva. Il posa son livre sur la table basse et s'avança vers Newt. Le cœur de ce dernier battait horriblement vite. Son masque était en béton, il ne laissait rien paraître. Mais à l'intérieur, la culpabilité le rongeait. Il en avait marre de cette situation. Heureusement, il allait y mettre fin bientôt. Et alors il n'aurait plus à mentir. Il ne cacherait plus rien à Thomas et pourrait enfin vivre librement, sans ce poids, ce secret sur les épaules.

Tout en avançant, Thomas s'empara de sa veste de costume sur le dossier d'une chaise et l'enfila sous le regard faussement heureux de Newt. Au fond de lui, il était déchiré entre l'envie de tout dire à celui qu'il aimait et le besoin viscéral de le protéger, et donc de se taire. Il se sentait accablé et attristé par cette situation.

« Tu sais que tu n'es pas obligé de travailler Newtie. On a suffisamment d'argent pour se la couler douce jusqu'à la fin de nos jours. »

Effectivement, le père de Thomas tenait une grande entreprise d'assurance et son fils suivait ses pas avec plaisir. Thomas prendrait sa suite quand il prendrait sa retraite. Pour le moment il était le bras droit, le vice président, et il gagnait déjà un paquet d'argent. Alors oui Newt pouvait se la couler douce.

Mais Newt n'était pas de cet avis. Thomas ne le savait pas mais il avait des revenus régulièrement. Il avait un travail. Et c'est justement de ça qu'il devait le protéger. Son travail était dangereux, peu recommandable, mais il payait bien et il avait sauvé Newt de la misère. Seulement, en contrepartie, il avait du sang sur les mains et il faisait tout pour que Thomas ne soit pas éclaboussé par sa faute.

La meilleure façon de le protéger nécessitait la perte de son emploi. C'est ce qu'il s'apprêtait à faire, quitter son emploi. Et ensuite il chercherait un travail, un vrai, un légal. Il ne voulait pas vivre de l'argent de son fiancé comme un boulet. Alors même s'il trouvait un emploi peu payé, il le prendrait tout de même et mettrait ainsi la main à la pâte. Et pour faire d'une pierre deux coups, il ne resterait pas à s'ennuyer comme un fauve en cage chez eux.

« Oui je sais Tommy. Mais je ne veux pas me sentir inutile et passer mes journées à m'ennuyer. »

Thomas fouilla ses poches pour s'assurer qu'il avait ses clefs, de la monnaie et quelques papiers indispensables. Il releva la tête vers Newt et son sourire s'agrandit. En quelques pas il se retrouva face à lui et posa un chaste baiser sur ses lèvres. Le cœur de Newt se serra. Même si ce n'était qu'un demi mensonge, ça ne lui plaisait pas. Il en avait marre de mentir. Il se jura alors que quand tout ça serait terminé, il ne lui mentirait plus jamais.

« J'y vais. Annonça Thomas. Je vais essayer d'avancer sur mon boulot. Merde pour ton rendez-vous !»

Newt hocha la tête et sourit doucement. Il se mordit la lèvre inférieur en passant sa veste tandis que Thomas ouvrait la porte de leur chez eux. Il regarda Thomas commencer à sortir puis son regard dériva sur quelques papiers sur la table. Il avait déjà commencé à préparer quelques documents comme son curriculum vitae en prévision du jour où son dernier contrat se terminerait. Il soupira et, en deux grandes enjambées, il rejoint Thomas et lui saisit le poignet. Le brun se retourna, interrogateur. Newt prit son visage en coupe et l'embrassa avec passion. Il avait besoin de ce baiser. C'était comme une excuse pour tous ses mensonges. Il lui demandait pardon à travers une touche de mélancolie noyée dans tout l'amour qu'il y mettait. Ses doigts caressaient avec précaution la peau constellée de grains de beauté de Thomas alors qu'il se sentait désespéré de ne pas être un fiancé à la hauteur.

Lorsqu'il se recula doucement, il resta assez proche de Thomas pour que leurs nez se caressent avec douceur. Il sentait la joie émaner de son fiancé et pouvait deviner son grand sourire sans le voir. S'il avait senti la culpabilité que Newt avait laissé paraître dans leur baiser, il ne l'avait pas comprise et avait décidé de l'ignorer. Il n'avait retenu que l'amour qu'il y avait mis. Newt continuait ses caresses tendres sur son visage. Il se sentait vraiment mal de lui mentir.

« Je t'aime. s'excusa-t-il dans un murmure. »

Thomas sourit d'avantage encore. Il ne vit pas la mélancolie et la tristesse dans les yeux de Newt. Il se contenta de l'embrasser une nouvelle fois, plus chastement mais avec autant d'amour. Puis il picora les lèvres de Newt comme s'il ne parvenait pas à se détacher de lui.

« Moi aussi. souffla-t-il. Je suis pressé de te passer la bague au doigt. »

Newt sourit. Pourtant il était amer. Il ne méritait pas Thomas. Pas après tous ses mensonges. Pourtant il était si heureux avec lui. Le voir sourire était sa raison de vivre et il ne pouvait pas imaginer un matin sans sentir son corps chaud à ses côtés. Il ne pouvait pas vivre sans lui et il se demandait même comment il avait pu vivre avant lui. Il vivait une autre vie dans les bras de Thomas. Elle était belle et remplie d'amour, loin de ses mensonges et du sang sur ses mains.

Thomas l'embrassa une dernière fois et dans un soupire déçu, il se sépara de lui pour aller travailler. Newt se passa une main dans les cheveux tout en caressant distraitement l'arme à l'intérieur de sa veste. Lui aussi il avait du travail.  

Dernier contratOù les histoires vivent. Découvrez maintenant