Chapitre 34 - Cole

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Après près de deux semaines d'attente, les flics firent irruption telle une horde au manoir. Accompagnés d'un ordre judiciaire ainsi que de mon avocat, je fus libéré sur le champ. Ils me débarrassèrent de mon bracelet électronique avant de procéder à une injonction à l'égard de mon père pour rétention de mineurs. Quant à Piper, c'était là que ça devenait plus croustillant. Je me demandais vraiment en ce moment si cela n'avait pas été une idée de Porter, car la coïncidence était vraiment cocasse. Je savais qu'il voulait frapper les esprits pour m'aider à gagner cette cause, mais désormais je voyais à quel point.

Bien qu'au poste de police de Fairfield, je n'arrivais pas à croire que j'étais enfin libre. C'était surréaliste. Toute la ville devait désormais être au courant des récents événements, ce qui ne m'étonnait pas du tout. Les rumeurs iraient bon train, certains ne me croiraient pas, tandis que d'autres se foutraient de mes malheurs, mais je n'en avais rien à faire. La seule chose qui comptait pour moi, c'était que ça se termine. Après très longtemps, je voyais une lueur d'espoir au bout du tunnel, même si la distance pour atteindre le bout allait être longue.

Je comprenais pourquoi les victimes d'agressions sexuelles, de viols ou de sévices en tout genre ne voulaient pas porter plainte. C'était plus facile de se replier sur soi-même pour tenter d'oublier, car pendant les procès, on te forçait à tout revivre dans les moindres détails. Et cela pouvait durer des mois ou même des années, pour qu'au final, l'agresseur s'en sorte. C'était vraiment un système déplorable qui faisait revivre aux victimes leur calvaire en boucle, pour que dans la plupart des cas ça n'aboutisse à rien de bien concluant. Il y avait la honte aussi, le regard que les autres portaient sur nous, à nous voir comme des victimes, des êtres faibles incapables de se défendre. Cette étiquette avait tendance à coller à la peau pendant très longtemps, si ce n'était pendant une vie entière. Se définir en tant que tel pendant toute son existence n'aidait pas à aller de l'avant, je le savais bien. C'était l'une des raisons pour lesquelles je n'avais jamais voulu me définir de cette façon et que j'avais mis des mois à mettre des mots sur les sévices que Piper me faisait subir. C'était Olivia qui les avait prononcés, c'était avec cet accord, avec cette reconnaissance, que j'avais également commencé à employer le mot « viol ». La culpabilité était toujours du côté de l'agressé et non de l'agresseur, c'était un fait. Je ne me considérais pas comme une victime, mais plutôt comme un survivant, les idées noires qui avaient trotté dans ma tête – et qui le faisaient encore – me l'avaient prouvé.

Par moments, je me pinçais le bras pour être certain que j'étais bel et bien éveillé et non en train de rêver. La présence de Porter à tous moments à mes côtés me signifiait que c'était bien réel. Dans mes songes, j'aurais sans doute été accompagné d'Olivia. Ça ne faisait qu'une heure que j'avais quitté le manoir escorté par la police, dont le père d'Ivy faisait partie. Lorsque je l'avais vu, son visage m'avait dit vaguement quelque chose. Or j'étais pratiquement certain de ne l'avoir jamais rencontré, alors cette impression de déjà-vu me retournait pas mal le cerveau.

J'avais quitté la maison sans même voir mon père. Il braillait sur les flics en disant que ses avocats allaient débarquer et qu'ils perdraient tous leurs jobs. Il les avait traités de malades et de faire preuve de disproportion en ce qui me concernait. Que j'étais un gosse qui avait fugué pendant de longs mois et que j'avais besoin d'être recadré. Ça, je l'avais entendu depuis le premier étage, avant que je ne descende les escaliers. Des policiers l'avaient tenu loin de moi tandis qu'ils lui lisaient les chefs d'accusation à son égard ainsi qu'à celui de sa femme. J'ignorais la tête qu'il avait dû faire lorsque le mots « abus et viol sur mineur » étaient sorti de la bouche de l'adjoint du procureur. Quant à Piper, de ce que j'avais compris, elle avait été arrêtée en plein country club devant toutes ses amies alors qu'elles jouaient un match de tennis. De ce que Porter m'avait dit, ils avaient lu les chefs d'accusation à haute voix devant tout le monde afin que les rumeurs à son égard circulent le plus vite possible. D'un côté, ça m'exposait, mais d'un autre je m'en fichais tant que ça l'humiliait. Elle avait sans aucun doute tenu bon afin de ne pas perdre la face, mais elle devait bouillonner de l'intérieur. Elle ne s'en sortirait pas, je ne le permettrais pas. Même s'il n'y avait pas de preuves contendantes, face à ces accusations, les flics seraient obligés d'enquêter d'après mon avocat. Ils ne pouvaient pas laisser couler une affaire pareille.

Si Seulement... (Tome 2 de Si Jamais...) ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant