CHAPITRE 2 : SOUVENIR LOINTAIN

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Hinata n'attendait qu'une chose : la fin de cette journée interminable. Depuis ce qu'il avait appris la veille au soir, il se sentait terriblement mal. Son estomac était noué, si bien qu'il n'avait rien avalé de la journée. Sa poitrine était constamment serrée, de telle sorte qu'il avait parfois l'impression de manquer d'air. Et comme un malheur n'arrivait jamais seul, sa jambe droite le faisait souffrir. Il détestait à quel point cette douleur lancinante était devenue familière. A chaque fois que cette souffrance s'abattait sur lui, les mots « douleur chronique » tournaient inlassablement en boucle dans sa tête.
Et ce qui le mettait le plus en colère, c'est qu'il savait parfaitement que le retour de cette douleur, à ce moment précis, ne pouvait en aucun cas être une coïncidence.
Il jeta un coup d'œil à sa montre. Il devait encore tenir quatre heures. Quatre heures pendant lesquelles le moindre pas serait source de souffrance. Et d'ici deux heures... D'ici deux heures, le match de l'équipe nationale allait commencer. D'ici deux heures, Kageyama allait officiellement jouer en tant que membre de l'équipe de volleyball du Japon pour la première fois.
Hinata pouvait très bien imaginer ce que Kageyama ressentait. L'adrénaline, la fierté, la joie, le sentiment d'avoir accompli quelque chose de grand. Hinata avait éprouvé toutes ces émotions lui aussi. Sûrement moins intensément, parce l'enjeu était moins important. Mais rien qu'à cette échelle, cette sensation était époustouflante.

7 ans plus tôt

Hinata était en transe. Il n'avait sûrement jamais été aussi concentré en dix-huit ans de vie qu'à ce moment précis. Rien n'aurait pu le distraire. Il n'entendait pas la foule. Il ne voyait rien de ce qui entourait le terrain. Il ne percevait que ses coéquipiers, ses adversaires et surtout, le ballon. Il avait également cette étrange sensation de mieux sentir son propre corps ; chaque foulée, chaque mouvement, tous ses ressentis semblaient décuplés. C'était une sensation étrange, mais grisante. Hinata avait l'impression d'être inarrêtable. Il avait l'impression que, quoi qu'il tenterait, il le réussirait.
C'était là, maintenant. Le moment décisif. L'aboutissement de ses années lycée était juste là, à portée de main, il le touchait du bout des doigts.
La finale des nationales. Karasuno, son équipe de volley, avait tout fait, tout réussi. Ses coéquipiers et lui avaient gagné chaque match, les uns après les autres. Ils s'étaient de nouveau qualifiés pour les nationales et avaient réussi à se frayer un chemin jusqu'en finale.
Hinata était en terminale. C'était son dernier match officiel en tant que lycéen, quoi qu'il advienne. Il ne pouvait pas laisser passer sa chance. Il n'en avait aucunement l'intention. Il allait la saisir, quoi qu'il lui en coûte.

C'était la balle de match. Après cinq longs sets, tous plus épuisants les uns que les autres, ils étaient arrivés à la balle de match. La balle de match de Karasuno.
Hinata jeta un coup d'œil à ses coéquipiers. Ils avaient tous l'air épuisés, mais étaient animés par la rage de vaincre. Si leurs corps semblaient faiblir, leurs regards assuraient que leur détermination n'en était que plus forte.
À peine quelques instants plus tard, le ballon s'était de nouveau envolé. Un échange féroce s'engagea. Aucune équipe ne laissait l'autre gagner du terrain, entre réceptions in extremis et frappes puissantes.
Hinata ne quittait plus le ballon des yeux. Il avait l'impression qu'il n'était plus capable de regarder quoi que ce soit d'autre que ce ballon blanc, vert et rouge.
Et soudainement, sans qu'il ne puisse l'expliquer, ni maintenant ni plus tard, il le sentit. Alors que le ballon revenait de leur côté et qu'il était agilement réceptionné par leur libéro, Hinata le sentit. C'était là, maintenant. Le moment parfait.
Il recula pour prendre de l'élan tandis que le libéro envoyait le ballon à Kageyama. Tout était parfaitement en place.

- KAGEYAMAAAAA !

Hinata eut furtivement l'impression que son cri avait retenti dans tout le stade, mais il ne s'en souciait guère.
Sans même lancer un seul regard au passeur, il commença à courir. Il rassembla toutes ses dernières forces alors qu'il se préparait à sauter. Il était prêt à dépasser son record personnel. Il voulait faire le plus haut saut qu'il n'ait jamais fait. Et bien que son état de fatigue rendait cela invraisemblable, il s'en sentait étrangement capable.
Il arriva devant le filet et s'élança, visant le plafond inatteignable du stade. Il avait la sensation grisante de s'envoler. Alors qu'il sentait qu'il allait arriver au point culminant de son saut, il se mit en position, prêt à frapper la passe de Kageyama.
À peine une seconde plus tard, le ballon était là, devant lui. La passe était parfaite. Le ballon semblait presque attendre la main de Hinata. Ainsi en hauteur, ce dernier voyait tout clairement. La position de chaque joueur adverse, l'endroit idéal où envoyer le ballon. Tout était limpide.
La main droite du joueur entra brutalement en collision avec le ballon. Dans un ultime cri exutoire, Hinata l'envoya à l'endroit précis qu'il visait. En moins d'une demi-seconde, le ballon avait touché le sol, tandis que Hinata retrouvait la terre ferme dans un bruit sourd qui résonna dans le stade.
En effet, pendant une longue seconde, un silence de mort régna dans le stade. Bouche bée, la foule s'était tue. Les joueurs étaient immobiles, fixant Hinata. Tout s'était passé si vite. Rapidement, le coup de sifflet de l'arbitre retentit, sortant le stade de sa transe. Le point était pour Karasuno. Ils avaient gagné. Ils avaient gagné la finale des nationales. Ils avaient gagné.

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