CHAPITRE 55 : MENTEUR

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Tout était silencieux. Les lumières étaient partiellement éteintes depuis un moment déjà, plongeant l'avion dans la pénombre. Hinata avait les yeux rivés sur le hublot à travers lequel il ne voyait qu'une nuit d'un noir d'encre. Il ne cherchait de toute façon pas à voir quoi que ce soit. Son cerveau fonctionnait trop lentement pour qu'il s'intéresse à ce qui l'entourait.
Il n'avait pas dormi depuis si longtemps. Ses yeux étaient secs. Son corps était lourd. Il était vidé de toute énergie. Et pourtant, il ne pouvait pas fermer l'œil.
Lorsqu'il avait quitté la chambre d'hôtel la nuit dernière, il était aussitôt allé à l'aéroport. Il avait réussi à modifier son billet de retour malgré quelques difficultés et avait eu la chance d'avoir une place dans un avion le jour même, en début d'après-midi. Il avait attendu à l'aéroport presque une dizaine d'heures mais au moins, il rentrait chez lui.
Il avait tout de même écourté son voyage d'une semaine, soit de moitié. Il avait pris la route du retour sans prévenir personne – enfin presque. Durant ses longues heures d'attente à l'aéroport, il avait contacté Xander pour lui demander de garder un œil sur Jozua et de le prévenir s'il se passait quoi que ce soit d'alarmant. Xander avait accepté sans poser de questions mais Hinata avait bien senti qu'il devinait partiellement la situation. Peu lui importait. Ce qui comptait, c'était la sécurité de Kageyama. La rancœur ne l'empêcherait jamais de s'en soucier.
À vrai dire, il n'était plus si en colère que ça. C'était vraiment étrange. Au début, lorsqu'il avait quitté l'hôtel, il n'avait ressenti que rage et rancœur. Quand il avait commencé à se calmer, c'était la honte et la culpabilité qui étaient venues le ronger. Pendant plusieurs heures, il n'avait été capable de penser qu'à la promesse qu'il n'avait pas honorée et aux mots tranchants qui étaient sortis de sa bouche.
Mais une fois dans l'avion, c'était la tristesse qui l'avait submergé. Une tristesse profonde qui semblait infinie. Cette fois, c'étaient les mots de Kageyama qui l'avaient malmené. La violence de ses propos l'avait vraiment heurté. Il n'avait dit que des choses qu'il pensait déjà lui-même mais en entendre la confirmation d'autrui, qui plus est de Kageyama... Il avait du mal à l'accepter. Son amour propre en avait été très affecté, si bien qu'il s'était demandé si ce dernier ne l'avait jamais aimé. Les mots « un amour à sens unique » lui étaient revenus en mémoire et il avait ressenti à cet instant une telle douleur dans la poitrine que le concept du coeur brisé avait pris tout son sens. Et tout ce à quoi Hinata avait pu penser ensuite, c'était à quel point il ne méritait pas d'être aimé et comment il l'avait prouvé à Amsterdam.
Mais à présent, plusieurs heures s'étaient écoulées et ces pensées l'avaient quitté. Les yeux rivés sur le hublot qu'il ne voyait pas, il avait l'impression d'être anesthésié. Il se sentait vide. Il avait cette étrange sensation d'être déconnecté, de ne plus être vraiment là. Il n'était plus triste. Il n'était plus en colère. Il n'avait plus honte. Il était simplement assis dans un avion à attendre que les heures passent sans même s'impatienter. Il lui semblait que sa vie n'était qu'une vaste blague, dénuée de sens, privée d'avenir et d'espoir. Il n'était plus qu'une coquille vide et il ne s'en souciait guère. Il préférait de loin le néant à la douleur.
C'est dans cet état d'esprit que quelques heures plus tard – qu'il avait également passées éveillé, il sortit de l'aéroport de Tokyo où la journée débutait alors qu'à Amsterdam, elle avait touché à sa fin. Il prit machinalement les transports en commun en traînant sa grosse valise derrière lui, sans se soucier des regards qui s'attardaient sur son visage tuméfié tout autour de lui.
Quand enfin il arriva chez lui, malgré la fatigue et la douleur, il ne ressentit aucun soulagement, aucune joie. Il claqua la porte derrière lui en fixant l'intérieur de son studio. Il n'était pas heureux d'y être revenu. Il ne s'y sentait même pas chez lui, à tel point qu'il n'avait qu'une seule envie : fuir cet endroit. Il abandonna malgré tout sa valise dans un coin de la pièce et laissa tomber son téléphone déchargé sur la petite table de la cuisine. Il s'assit sur le bord de son lit en poussant un long soupir désespéré. Et maintenant ?

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