DERNIER SET

CHAPITRE 32 : POUR TOI

Comme tous les soirs, le café était plongé dans la pénombre. Comme tous les soirs, seule la lumière au-dessus du comptoir transperçait l'obscurité. Cela aurait pu être une soirée banale, indissociable des autres mais pourtant rien ne semblait normal, ce soir.
Si la soirée avait été banale, Hinata ne serait actuellement pas assis par terre dans les bras de Kageyama sans savoir depuis combien de temps il se trouvait là. Si la soirée avait été banale, il n'aurait pas ressenti ce tel niveau de souffrance et de honte.
Mais finalement, il n'était guère important de savoir si la soirée que vivait Hinata était normale. Cela ne changeait rien au fait qu'il la vivait et qu'il devait s'y confronter. Cela ne changeait rien au fait que tôt ou tard, il allait devoir se relever et enfin affronter le regard de Kageyama.

- Il faudrait qu'on se relève, dit alors ce dernier, comme s'il avait lu dans les pensées de Hinata. On va pas passer la soirée par terre.

Même s'il ne laissait rien paraître, Kageyama ne pouvait étouffer la vive inquiétude qu'il ressentait vis-à-vis de Hinata. Il avait beau faire de son mieux pour encaisser ce qu'il avait vu et appris, il se sentait secoué, désemparé et à vrai dire, plutôt inutile.

- Tu as raison. Allez, on se lève.

Hinata se détacha de Kageyama en grimaçant. Le moindre mouvement lui donnait l'impression que sa jambe, déjà douloureuse, était en feu. Cela faisait des années que la douleur n'avait pas été aussi vive. Il dut se mordre l'intérieur des joues pour retenir un gémissement.

- Tu restes par terre, finalement ? demanda Kageyama en se levant.

Hinata leva la tête vers le visage interloqué de Kageyama. Il resta silencieux durant une seconde d'hésitation puis finit par soupirer. Il avait montré tant de vulnérabilité ce soir, il n'était plus vraiment à un détail près.

- Je peux pas me lever tout seul. J'ai trop mal à la jambe.

Kageyama n'était pas vraiment surpris. Hinata avait en effet envoyé un sacré coup de pied dans la table. Cependant, qu'il l'admette aussi facilement et frontalement ne le rassurait pas vraiment. Il avait très bien compris qu'habituellement, il passait sa douleur sous silence dès qu'il le pouvait.

- Tu dois avoir bien mal, en effet. Accroche-toi à moi, je vais t'aider.

Kageyama s'accroupit et passa un bras autour de la taille de Hinata tandis que celui-ci s'agrippait à sa nuque. Il se redressa en le maintenant et dès qu'il furent debout, Hinata mit de la distance entre eux et s'appuya contre le comptoir.

- Merci, dit Hinata avec un petit signe de tête solennel. Il va falloir qu'on s'attaque à la fermeture du café.
- Oui, il est temps. T'as tes béquilles ? Ce serait pas de refus, je pense.
- Elles sont chez moi. Je ferai sans, c'est pas un problème.
- Va t'asseoir, au moins. Je t'apporte tout ce dont tu as besoin et je m'occupe du reste. Essaie de limiter tes déplacements, ok ?

Hinata jeta un regard noir à Kageyama. Il n'aimait pas qu'on lui dise de rester assis. Il n'aimait pas qu'on cherche à s'occuper de lui comme s'il était infirme. Il n'aimait pas qu'on lui impose des limites.
Mais sa jambe était vraiment douloureuse et le simple fait de poser le pied à terre suffisait à lui faire serrer les dents. Il avait besoin de la reposer au maximum afin d'être capable de rentrer chez lui. Alors pour cette fois, il n'allait pas résister.

- Comme tu veux, dit-il en haussant les épaules, comme si cela lui était égal.

Kageyama haussa les sourcils, un peu surpris de constater qu'il ne protestait pas. Il ne savait pas si c'était vraiment une bonne nouvelle mais au moins, cela évitait un conflit inutile et il s'en contenterait.
Hinata alla s'installer à la table la plus proche en boitant, le visage crispé par la douleur. Kageyama le regarda faire en prenant sur lui pour ne pas intervenir. Il ne voulait pas se montrer trop insistant. Hinata était capable de demander de l'aide s'il en avait vraiment besoin.
Une petite heure plus tard, la fermeture du café était terminée. Hinata se trouvait derrière le comptoir, sa jambe droite légèrement pliée pour éviter de toucher le sol. Malgré les protestations de Kageyama, il avait tenu à se lever et à vérifier que tout était bien en ordre. Son regard se posa un court instant sur le tiroir non loin de lui, avant de se concentrer sur Kageyama.