DERNIER SET

CHAPITRE 84 : COCON

Le silence qui régnait dans l'appartement était l'un de ces silences étrangement réconfortants et apaisants, que l'on n'a pas envie de rompre. La pénombre de la pièce était contrebalancée par la douce lumière d'une petite lampe et les éclats argentés de la lune que les stores ouverts laissaient passer.
Confortablement installé au fond du lit, Hinata était blotti dans les bras de Kageyama, leurs corps nus à moitié cachés par le drap. Il laissait ses doigts caresser tantôt sa poitrine, tantôt le médaillon, que la lune faisait briller. Il sentait la main de Kageyama passer dans ses cheveux avec tendresse, encore et encore. Il était si heureux et apaisé, dans ce cocon sécurisant plein d'amour et de douceur. Il n'avait jamais plus envie de le quitter.

- Est-ce que... tu as peur ? demanda soudainement la voix douce de Kageyama.

Intrigué, les sourcils légèrement froncés, Hinata se redressa aussitôt sur un coude, de manière à voir son visage.

- Peur ? De quoi ?
- De changer de vie, de passer du café à cette formation.

Hinata poussa un soupir, ne sachant pas tellement comment répondre à cette question qu'il n'avait vraiment pas vue arriver.

- ... Sacrée question.
- Désolé, on peut parler d'autre chose si tu...
- Je crois que oui, j'ai un peu peur, le coupa Hinata, répondant directement ce qui lui venait à l'esprit. En y réfléchissant, je flippe totalement, à vrai dire.

Kageyama se demanda alors s'il avait vraiment bien fait de poser cette question. La dernière chose qu'il voulait était d'angoisser Hinata et de briser cette atmosphère presque onirique.

- À ce point-là ?
- Et bien... quand j'étais ado, j'avais le goût de l'aventure, tu vois. J'aurais été prêt à changer de vie en un claquement de doigts pour une opportunité qui me donnait envie. Je tenais pas en place, j'avais envie de tout voir, tout découvrir.
- Je m'en souviens parfaitement, dit Kageyama en souriant à Hinata.
- Mais après ma blessure, tout ça, ça a changé. Il était plus du tout question d'aventures. Il y a eu la rééducation et puis après ça, j'ai dû apprendre à vivre avec... le nouveau moi. Et je me suis enfermé dans une vie... monotone. J'ai vécu des années répétitives et prévisibles. Ça me donnait l'impression d'avoir le contrôle. C'était souvent ennuyeux, mais rassurant.

Un peu gêné de se mettre ainsi à nu, Hinata marqua une pause et sans même le réaliser, commença à triturer nerveusement le drap.

- Et là tu vois, ce gros changement, c'est pas rassurant. Je change de lieu de vie et de lieu de travail et je m'ajoute une formation. Tout change et... c'est terrifiant. J'ai voulu ces changements parce que j'espère donner plus de sens à ma vie, j'espère m'épanouir... mais la vie ne se passe pas vraiment toujours comme prévu et je ne peux pas m'empêcher de penser... qu'une autre déception m'attend peut-être au bout du chemin. Je n'ai pas de contrôle là-dessus. Donc oui... plus j'y réfléchis, plus je trouve ça flippant.

Aussitôt, Kageyama attrapa la main de Hinata qui torturait le drap et l'enferma entre les siennes avec douceur. Il y déposa un furtif baiser avant de prendre la parole, le regard noyé de bienveillance.

- C'est normal d'avoir peur. Et avec ton histoire personnelle, c'est encore plus normal de craindre un imprévu ou une déception. Tu sais, moi aussi, j'ai souvent peur. J'ai eu peur quand j'ai rejoint l'équipe à Amsterdam et Shoyo, je te jure que si tu m'avais vu juste avant que je rejoigne officiellement l'équipe nationale, tu ne m'aurais pas reconnu. Tu te serais même sûrement moqué. J'étais terrifié, vraiment terrifié.
- Toi ? Avec ton ego démesuré et ton mépris légendaire ? Toi, tu étais terrifié ? répliqua Hinata, à mi-chemin entre la taquinerie et le doute.
- Qu'est-ce que tu crois ? J'ai beau avoir confiance en moi, en mon travail et en mon talent... j'avais peur de me planter ou de pas être à la hauteur. Ce que je veux dire... c'est que c'est normal d'avoir des appréhensions. Je ne vais même pas chercher à chasser les tiennes parce que je te connais, ça ne servirait à rien, mais je vais quand même te dire ce que je pense.