DERNIER SET

CHAPITRE 64 : UNE DEMANDE ORIGINALE

- ... et après cette grosse dispute, il a décidé qu'il ne voulait plus me voir. Bon, je vais pas mentir, j'avais pas vraiment envie de le revoir non plus sur le coup. Mais quelques semaines après ça, on s'est recroisés et il m'a offert une opportunité professionnelle. À vrai dire, j'ai clairement eu l'impression qu'il s'en servait un peu pour avoir des occasions de me voir. Et on a d'ailleurs profité de ces occasions pour coucher ensemble.
- Bizarrement, je l'avais vu venir celle-là. Et après, ça a donné quoi ?
- Bah on s'est dit que juste coucher ensemble, c'était une option sympa. C'était il y a une semaine. Et depuis... bah je confirme, c'est une option sympa.
- Donc maintenant, c'est ton plan cul ?
- Oui, on peut dire ça.
- Ta relation avec ce mec est vraiment... catastrophique.

Hinata soupira et porta son verre de bière à ses lèvres pour le terminer. Il poussa le verre vide vers la barmaid qui lui faisait face de l'autre côté du bar.

- T'es vraiment pas sympa. J'en veux bien un autre, s'il-te-plaît.
- Je suis super sympa. Je te connais à peine et je t'écoute te plaindre, c'est la définition même de sympa je pense, répliqua-t-elle en servant le verre de bière.
- C'est toi qui as insisté en me posant plein de questions pour savoir pourquoi j'avais « l'air ronchon ».
- Oui et après coup, je me dis que j'aurais mieux fait de m'abstenir.

Elle fit à Hinata un petit sourire malicieux avant de s'éloigner s'occuper d'un autre client. Hinata était lui-même étonné d'en être arrivé là. En cette fin de semaine, après une longue journée, il avait décidé d'aller boire un verre seul pour se détendre dans un bar qu'il fréquentait de temps à autre. Il s'était installé au comptoir et assez rapidement, l'une des barmaids qu'il avait déjà vues quelques fois s'était approchée pour lui faire la conversation avec bonne humeur. Sans qu'il ne comprenne pourquoi, après plusieurs questionnements indiscrets de la part de la jeune femme devant sa mine boudeuse, il s'était mis à parler et avait résumé sa relation avec Kageyama dans les grandes lignes, puisque c'était bien sûr cela qui torturait son esprit.

Précisément six jours plus tôt, une fois face à la douloureuse et très réelle possibilité de perdre Kageyama, Hinata avait ignoré tous ses principes et l'entièreté de sa raison en proposant une relation sur le plan uniquement physique. Il avait lui-même été surpris de la facilité avec laquelle les mots étaient sortis de sa bouche, de l'assurance dont il avait fait preuve, de la certitude qu'il avait eue quant à la réponse positive de Kageyama. Son propre aplomb l'avait d'autant plus étonné qu'il avait fait suite à un aveu fort désagréable à entendre.
En effet, quand Hinata avait entendu ce que Kageyama avait fait de son médaillon, l'abandonnant vulgairement derrière lui, il avait eu l'impression de sentir son coeur se briser un peu. Il avait eu du mal à croire que Kageyama puisse traiter un bijou d'une si grande valeur sentimentale avec si peu de respect. Il avait vraiment été blessé mais il avait fait de son mieux pour prendre sur lui et le cacher. Puis ironiquement, c'est sûrement cela qui l'avait poussé à se jeter à l'eau. Après tout, lorsqu'il avait entendu ce qu'était devenu le médaillon, Hinata avait compris à cet instant même que les sentiments qu'ils avaient peut-être ressentis et partagés à un moment donné s'étaient éteints. Il avait en fait réalisé qu'il n'y avait plus grand-chose à perdre entre eux. Il s'était alors dit qu'une relation exclusivement physique évincerait tous ces problèmes sentimentaux et permettrait de passer quelques derniers moments de légèreté ensemble. C'est ce qu'il s'était dit et il y avait cru, d'où cet excès de confiance qu'il avait présenté.

Cependant, la réalité était quelque peu différente. Depuis le dimanche précédent, ils s'étaient vus deux fois en l'espace de six jours – et avaient déjà prévu de se revoir le lendemain. Dans la semaine, Kageyama était passé au café le soir, le lendemain, il passerait chez Hinata dans l'après-midi. Durant ces deux soirées, il n'y avait eu ni drames, ni disputes, ni sentiments, là n'était pas le problème. Ils s'en étaient tenus à la relation physique qu'ils désiraient tous les deux et sur le moment, Hinata s'était senti léger et détendu. Mais le problème, c'est que ces moments n'avaient en rien ressemblé à de « derniers moments ». Bien au contraire, partager des instants intimes avec Kageyama aussi fréquemment semblait révéler chez Hinata un côté légèrement obsessionnel.
Depuis environ une semaine, comme cela avait été le cas à Amsterdam, il avait en effet l'impression d'être un adolescent aux hormones en folie rencontrant son premier amour. Il pensait en permanence à Kageyama, avait une envie irrépressible de le voir et ne voyait plus que lui quand il entrait dans son champ de vision tant il le désirait. Le plus enivrant, c'est qu'il avait très bien remarqué dans le langage corporel et le comportement de Kageyama que ce désir dévorant semblait réciproque. Hinata trouvait en fait que cette nouvelle dynamique entre eux les consumait et leur faisait un peu perdre la tête.