DERNIER SET

CHAPITRE 80 : STUPIDE RÊVE

Absorbé, les yeux écarquillés, Hinata en oubliait presque de respirer. Il n'avait pas bougé d'un poil depuis qu'il avait mis les pieds dans le stade. Il ressentait toute la pression du match. Le Japon continuait à perdre du terrain pendant ce deuxième set. Il paraissait peu probable qu'il puisse rattraper son retard.
Cela se vérifia quelques instants plus tard lorsque l'Iran remporta effectivement le deuxième set. Hinata regarda Kageyama – du moins, ce qu'il pouvait en distinguer d'aussi loin – se regrouper avec son équipe d'un air abattu. Il espérait qu'il ne sentait pas trop découragé. De ce que Hinata avait vu, il s'était bien défendu et n'avait pas de quoi rougir.
La pause entre le deuxième et le troisième set permit de le sortir de sa paralysie. Il se mit à chercher du regard l'endroit qu'il devait rejoindre et quelques instants plus tard, le repéra en se retenant à peine de soupirer. Sa place était loin, en contrebas des gradins sur sa gauche, et une mare de gens qui semblait sans fin l'en séparait. Sans grand entrain, il se mit enfin à bouger pour s'en rapprocher.
Et alors qu'il n'avait parcouru qu'un bout du chemin, il vit les équipes se remettre en place pour commencer le troisième set. Aussitôt, sans même s'en rendre compte, il se figea en plein mouvement pour contempler ce qui se passait. Il était encore assez loin de sa place mais était plus bas dans les gradins. Il voyait mieux, si bien qu'il ne prit pas la peine de bouger. Le troisième set venait de commencer et il n'arrivait déjà plus à détacher son regard de Kageyama.
L'équipe japonaise était revenue en force avec un jeu plus agressif, si bien que ce troisième set commençait de façon assez serrée entre les deux équipes. Hinata, happé par le match et les échanges de ballon brutaux, était de nouveau immobile. Il était indifférent à la foule qui l'entourait, aux cris qui résonnaient autour de lui. Il n'y avait que le match. Il n'y avait que Kageyama.
C'était d'ailleurs à lui de servir. Hinata était plutôt confiant. Il avait fait de ses services une vraie force d'attaque. Il se prépara et un court silence s'installa dans le stade, comme si la foule entière retenait son souffle. Quand le ballon s'envola tel un boulet de canon, Hinata eut un petit sourire. Grâce à Kageyama, l'équipe japonaise allait sûrement pouvoir remporter ce point. Son sourire s'évanouit bien vite quand un joueur iranien plongea à la dernière seconde sur toute sa longueur pour rattraper le ballon coûte que coûte. Le jeu continuait. C'était toujours aussi serré. Le Japon et l'Iran prenaient la tête du set à tour de rôle, comme pour prolonger ce suspense insoutenable.
Quand un peu plus tard, ce fut de nouveau à Kageyama de servir, Hinata avança d'un pas, guidé par un besoin irrépressible de se rapprocher de lui. Il devinait, rien qu'à sa posture, que Kageyama manquait de confiance. Même avec la distance, Hinata était sûr qu'il se sentait un peu fébrile, ce qui était compréhensible puisqu'aucun de ses services n'avait eu son panache habituel. Le coup de sifflet retentit et il se mit en position. Après de longues secondes d'attente, il envoya enfin un ballon à pleine puissance. L'un des joueurs iraniens fit un signe à ses coéquipiers et personne ne bougea. Le ballon vint s'écraser sur la ligne qui délimitait leur terrain. Un autre coup de sifflet résonna dans le stade. C'était hors-jeu. L'estomac de Hinata se noua. L'équipe adverse reprenait la tête.
Lorsque Kageyama reprit le service un peu plus tard, il était clair qu'il devenait de plus en plus nerveux. Comme en écho, Hinata sentit la pression le prendre à la gorge. Il connaissait Kageyama par cœur. Même d'aussi loin, il pouvait deviner qu'il commençait à perdre pied. Hinata était si impuissant. Il avait besoin de faire quelque chose, n'importe quoi. Il aurait voulu courir sur le terrain pour lui crier de ne pas abandonner, pour lui rappeler qui il était et l'étendue de son talent.
Il jeta un regard désespéré autour de lui, comme si quelqu'un pouvait être d'une quelconque aide. Bien évidemment, c'était vain. Le coup de sifflet annonçant le service allait être lancé d'une seconde à l'autre. Le cœur de Hinata battait la chamade. Il voulait tellement aider Kageyama. Il aurait été prêt à faire n'importe quoi, tant que ça pouvait lui insuffler un tant soit peu de courage.
Ses yeux emplis de désespoir s'arrêtèrent alors soudain sur un objet volumineux et coloré à une dizaine de mètres devant lui. Sans réfléchir, comme si son cerveau s'était soudainement déconnecté pour laisser le contrôle à ses jambes, il dévala les marches à toute vitesse. Alors que le coup de sifflet retentissait, il arracha des mains d'un spectateur inconnu le mégaphone qu'il avait repéré et ne ralentit sa course que plusieurs mètres plus loin. Il voulait être le plus proche possible de Kageyama, mais il était à court de temps. Celui-ci se mit en position pour servir et une nouvelle fois, le bruit de la foule s'évanouit sous la pression. C'était le moment. Hinata prit une grande inspiration.