CHAPITRE 12 : PREMIER ESSAI

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Cela faisait déjà deux jours que Kenma avait quitté Tokyo. Et depuis, Hinata n'avait eu de cesse de cogiter.
Au début lorsque Kenma lui avait suggéré de demander de l'aide à Kageyama au café, il avait été tout bonnement incapable de s'imaginer accepter cette idée. Il avait trouvé cela aberrant. Mais Kenma était doué pour convaincre, il fallait l'admettre. Il trouvait toujours les bons mots. Il avait réussi à faire en sorte que Hinata l'envisage comme une réelle option.
Cependant, Hinata se demandait tout de même comment Kenma avait réussi à presque convaincre Kageyama. Cette partie de son récit était restée un peu floue mais sur le moment, Hinata ne s'en était pas vraiment rendu compte. Kenma avait dû encore une fois trouver de bons arguments parce que si Hinata se fiait à la conversation téléphonique qu'il avait partagée avec Kageyama, ce dernier était décidé à ne plus avoir de contact avec lui.

À vrai dire, là n'était pas vraiment la question. La question n'avait d'ailleurs toujours pas changé et pouvait être résumée par : « que faire de Kageyama ? ». Hinata avait l'impression que son crâne allait exploser à force d'y penser. Deux parties de lui s'affrontaient en son for intérieur et il était incapable de faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre.
D'un côté, l'aide de Kageyama était la dernière chose que souhaitait Hinata. C'était un coup dans son orgueil que de demander de l'aide à la personne qui l'avait à son sens trahi. Et puis, il trouvait que cela mettait en lumière une grande faiblesse. Il aurait l'impression de lui pardonner tout de suite, comme si tout ce qui s'était passé ne comptait plus et était oublié. Sauf que ce n'était pas oublié et que cela avait des conséquences sur la personne qu'il était aujourd'hui. De plus, il ne savait pas s'il allait supporter de voir Kageyama dans son café de manière aussi régulière, lui rappelant tout ce qu'il aurait pu être mais n'était pas ; lui rappelant tout ce qu'il aurait pu avoir mais n'avait pas ; lui rappelant tout ce qu'ils avaient manqué et ne rattraperaient pas.
De l'autre côté, il savait que travailler ponctuellement avec Kageyama lui permettrait d'avoir des réponses à des questions qu'il s'était posées pendant sept ans. Bien sûr, il pouvait aussi insister auprès du jeune homme pour qu'ils se confrontent une bonne fois pour toutes, mais ils étaient trop braqués et Hinata ne voyait pas comment mener calmement une conversation aussi frontale. Une approche progressive en plusieurs petites étapes était sans doute ce qui fonctionnerait le mieux. Et s'il était tout à fait honnête avec lui-même, il y avait une autre raison qui pourrait le pousser vers l'option Kageyama. Depuis que ce dernier était arrivé à Tokyo, depuis que Hinata l'avait vu, une petite partie de lui – qu'il avait essayé d'étouffer – était irrépressiblement attirée par Kageyama. Cette petite partie de lui ressentait un besoin parfois urgent de le voir, de lui parler. Cette petite partie de lui était en fait le manque qu'il ressentait à l'égard du jeune homme, qui avait fini par sommeiller au fur et à mesure des années, et qui maintenant s'éveillait, plus fort que jamais. Hinata se souvint aussi qu'accessoirement, avoir Kageyama au café soulagerait sa jambe. « Accessoirement ». Il perdait presque de vue son objectif premier.

Au moins, il avait à peu près une vue d'ensemble de la situation. L'objectif de ces quelques jours était en effet de prendre du recul. C'était ce qu'il avait fait. Et maintenant ?
À présent, il se retrouvait avec plein de petites raisons de se détourner de Kageyama et quelques très bonnes raisons d'aller vers lui. Dans la balance, qu'est-ce qui pesait le plus ? C'était la question qui tournait en boucle dans sa tête depuis quelques heures déjà. Hinata aurait pu s'en arracher les cheveux. C'était un véritable casse-tête. Et pourtant, il allait bien falloir qu'il le résolve.
Il soupira en regardant le café totalement vide autour de lui. C'était assez rare qu'il n'y ait aucun client en plein milieu de l'après-midi. Hinata ne savait pas trop s'il était anxieux pour son compte en banque ou soulagé de reposer sa jambe. Un peu des deux, sûrement.
L'attention du jeune homme fut soudain détournée un instant par son téléphone qui avait vibré. Il avait reçu un message d'Amaya.

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