DERNIER SET

CHAPITRE 7 : ATTENTE

Hinata essayait de rationnaliser l'angoisse qu'il sentait monter en lui, doucement mais sûrement, depuis plusieurs heures. Dans la matinée, Kageyama l'avait appelé comme prévu et Hinata avait accepté de le rejoindre à vingt-et-une heures trente dans un bar choisi au préalable par le jeune homme. Avant d'accepter, il avait beaucoup réfléchi durant la nuit. Il avait fini par conclure qu'il n'avait rien de plus à perdre, qu'il pourrait quitter les lieux à tout moment et qu'il devait vraiment arrêter de dramatiser la situation. Kageyama n'était pas un assassin l'ayant pour proie duquel il devait à tout prix s'échapper. Il ne voulait pas lui faire du mal. Il n'avait rien à craindre. Mais pourtant, de manière totalement irrationnelle, son corps lui envoyait les mêmes signaux qu'il aurait sûrement envoyés face à un danger de mort. Ce devait être les petits plaisirs qui venaient avec l'angoisse et l'anxiété. Une réaction démesurée face à une situation totalement sous contrôle. Celle-ci était en plus simple et précise. Kageyama et lui s'expliqueraient et au moindre problème, il rentrerait chez lui. Ni plus, ni moins. Mais alors pourquoi ressentait-il un si mauvais pressentiment ?

- Excusez-moi, mais je crois que la table est propre !

La voix qui venait d'interpeller Hinata le sortit de sa torpeur. Sans s'en rendre compte, perdu dans ses pensées envahissantes, il s'était attardé un peu trop longtemps sur une table qu'avait quittée un client quelques minutes plus tôt.
La personne qui l'avait arraché à son monde intérieur était un jeune homme qui se trouvait devant le comptoir, attendant visiblement que Hinata prenne sa commande.

- Oh désolé, j'arrive tout de suite.

Hinata revint rapidement derrière le comptoir, non sans jeter un coup d'œil au client. Il devait avoir à peu près son âge et était haut en couleurs. En effet, il avait des cheveux vert pâle qui ne passaient pas inaperçus. Ils lui arrivaient à peu près au niveau des oreilles  et étaient négligemment ramenés en arrière.  Le jeune homme portait un sweatshirt de l'exacte même couleur que ses cheveux, et ce détail ajoutait un petit quelque chose qui rendait difficile de détourner le regard.

- Je vous écoute, qu'est-ce que je vous sers ? demanda Hinata, une fois face à lui.

L'inconnu posa son regard sur lui. Durant une demi-seconde, Hinata lui trouva un regard presque envoûtant. Ses yeux en amande renfermaient des iris d'un noir de jais si profond qu'on ne les distinguait plus des pupilles.

- Un grand café s'il-vous-plaît, avec du sucre.

Hinata chassa ces pensées futiles de son esprit et quelques instants plus tard, déposa le café accompagné de plusieurs sachets de sucre sur le comptoir. Le client le remercia avec un grand sourire communicatif qu'il lui rendit spontanément. Alors qu'il s'attendait à le voir s'éloigner, le jeune homme s'accouda au comptoir et commença à verser avec une extrême lenteur un sachet de sucre dans son café, tout en jetant des coups d'œil autour de lui.

- Sympa, ce que vous avez fait avec l'endroit. C'est plus moderne qu'avant.

Hinata haussa les sourcils, dans un premier temps légèrement surpris, puis le remercia. L'inconnu commença à parler de la météo qui était particulièrement douce pour un mois de novembre. Hinata ne l'écoutait que d'une oreille, un peu perturbé par l'attitude du client. Celui-ci était très amical, souriant et surtout, ne détachait pas son regard de Hinata qui en était un peu gêné.

- Et bien, vous n'êtes pas un grand bavard, dit le client en faisant une moue exagérément boudeuse. Mais c'est peut-être la fatigue...?
- La fatigue ? Pourquoi vous dîtes ça ?

Hinata savait très bien pourquoi le jeune homme lui disait cela. Depuis que Kageyama était de retour, il dormait encore plus mal que d'habitude. Il avait un mal fou à trouver le sommeil et quand enfin il le trouvait, il était agité, peuplé de rêves et de cauchemars et interrompu par des réveils inopinés. Ces derniers temps, Hinata avait donc un visage plus pâle que d'habitude, les traits tirés et de larges et sombres cernes. Le mot « fatigué » aurait été écrit sur son front que cela n'aurait pas été plus explicite que ça ne l'était déjà. Donc ce n'était pas si étonnant qu'un total inconnu lui fasse la remarque.