CHAPITRE 49 : COMMENÇONS... PAR LE DÉBUT ?

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L'estomac noué et la gorge serrée, Kageyama était bien en peine d'émettre le moindre son. Il avait déjà eu toutes les difficultés du monde à bouger sa tête de haut en bas. Le regard rivé sur ses mains, il était incapable de soutenir celui de Hinata. Plus maintenant. Pas après ce qu'il venait d'admettre. La honte qu'il ressentait était si grande qu'il avait la sensation que son corps ployait sous son poids. Assis en tailleur sur le lit, il avait envie de se recroqueviller sur lui-même et de disparaître.

- Tobio, regarde-moi, souffla Hinata d'une étrange voix rauque.

Mais Kageyama était terrifié à l'idée de lever la tête et de découvrir les yeux de Hinata. Il redoutait d'y découvrir de la pitié, voire de la moquerie ou même du dégoût. Hinata ne lui avait pourtant apporté que de la gentillesse depuis qu'il était apparu dans sa vie, même quand il ne le méritait pas. Malgré cela, une peur presque irrationnelle lui tordait les entrailles.
Hinata attendit patiemment, installé face à lui ou plutôt face à ses cheveux qui lui cachaient le visage. Avec délicatesse, il posa sa main gauche sur le genou de Kageyama et passa deux doigts sous son menton pour l'inviter à lui faire face. Quand enfin il croisa son regard, sa gorge se serra.

- Tu n'as pas à avoir honte. Jamais, murmura-t-il d'une voix submergée par l'émotion. Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais ce n'est pas de ta faute. Tu n'as pas à avoir honte, Tobio.

Hinata pressa le genou de Kageyama sans vraiment le vouloir, comme pour appuyer ses propos. Il aurait voulu que Kageyama croie à ce qu'il venait de lui dire, mais il savait parfaitement que ce n'était pas aussi simple.
Pourtant, ses mots résonnaient encore dans la tête de Kageyama, qui était déjà quelque peu déboussolé par le regard que posait Hinata sur lui. Aucune pitié, ni moquerie, ni dégoût. Il n'y voyait que de la tendresse, de la compassion et une pointe de tristesse. Il le regardait d'une manière qui lui donnait l'impression d'être aimé et d'être en sécurité. Alors Kageyama se surprit à penser que peut-être qu'avec lui et rien qu'avec lui, il n'aurait pas à avoir honte. Et sans qu'il ne comprenne pourquoi, cette possibilité lui fit immédiatement monter les larmes aux yeux.

- Je suis désolé si j'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas..., dit alors Hinata d'un air anxieux.
- Tu n'as rien dit de mal, assura aussitôt Kageyama d'une voix tremblante. C'est juste que... je sais pas. C'est... Je...

Les mots s'étranglèrent dans sa gorge et une fois encore, il se sentit incapable d'en dire plus. Ses pensées étaient désordonnées et chaotiques et il perdait ses mots. Jamais s'exprimer n'avait semblé aussi ardu.

- Tu disais ? demanda Hinata avec douceur, l'air un peu hésitant.
- Je suis un homme, dit soudainement Kageyama d'un ton abrupt. Ça n'aurait jamais dû m'arriver, je suis capable de me défendre.

Le simple fait de formuler cette pensée suffisait à amplifier son sentiment de honte. Jozua lui avait fait du mal à lui, Kageyama, un homme, un athlète de haut niveau. Et à présent, il se retrouvait à devoir expliquer cela à l'homme qu'il aimait le plus au monde. Comment aurait-il pu ne pas avoir honte de montrer une telle faiblesse ? Comment aurait-il pu ne pas craindre sa réaction ?
Mais Hinata n'était pas d'accord. Pas une seule seconde il n'avait songé à trouver Kageyama faible. Pas une seule seconde il ne s'était dit que c'était une histoire honteuse pour Kageyama. Pas une seule seconde ces pensées ne l'avaient traversé. À l'inverse, il ne souhaitait qu'une chose : que Kageyama comprenne à quel point toutes ces pensées étaient fausses. Il désirait ardemment soulager la douleur qui emplissait son regard. Il voulait au moins essayer.
C'était la seule et unique chose qui habitait l'esprit de Hinata alors qu'il prenait les mains de Kageyama entre les siennes, comme pour lui insuffler de la chaleur.

- Tout le monde peut subir de la violence et des abus, dit alors Hinata en chuchotant presque. Quel que soit le genre de la personne, qu'elle soit capable de se défendre ou non. Et pouvoir se défendre ne fait pas de quelqu'un un homme. Au même titre qu'un homme qui ne peut pas se défendre reste un homme. Ce que j'essaie maladroitement de dire, c'est que... tu n'as pas à avoir davantage honte parce que tu es un homme. Dans le monde dans lequel on vit, c'est parfois facile d'y croire. Mais c'est faux. Je te le promets, Tobio. C'est totalement faux.

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