DERNIER SET

CHAPITRE 14 : COMPLICATIONS PRÉSENTES ET PASSÉES

Hinata se sentait détendu, en sécurité et reposé. Il se sentait bien. Il était en jour de repos, avait passé une excellente soirée la veille et adorait la matinée qui se profilait. Encore à moitié emmitouflé dans la couette blanche de Matsuo, il le regardait, un sourire aux lèvres, préparer le petit déjeuner par l'encadrement de la porte ouverte.
La veille, après avoir partagé quelques verres dans un bar, légèrement alcoolisés – dans la limite du raisonnable, ils étaient naturellement allés chez Matsuo, où ils avaient continué la soirée. Ils avaient discuté de tout et de rien, avaient beaucoup ri et avaient de nouveau couché ensemble.
Hinata avait pu enfin éloigner de son esprit ses pensées négatives. Pour le moment, du moins. Matsuo avait cet effet reposant de faire taire tout le bruit qui résonnait constamment dans sa tête. Sûrement parce qu'avec lui, rien ne semblait grave, ni important. Tout n'était que légèreté, amusement et plaisir. Et puis, Matsuo était gentil. Ce n'était probablement pas l'adjectif le plus flatteur pour décrire une personne avec qui il couchait, mais la gentillesse de Matsuo était si profonde qu'elle ne pouvait être ignorée. Ilse sentait bien, dans cet appartement. S'il ne faisait pas attention, cela pourrait vite devenir son refuge pour fuir le monde réel.

- C'est prêt ! s'écria Matsuo en arrivant avec un plateau.

Il le posa sur la couette avant de retourner dans le lit, aux côtés de Hinata. Celui-ci regardait avec appétit les pancakes, la salade de fruits et le jus que Matsuo avait préparés.

- T'es vraiment génial, dit-il en commençant à manger. Oh, c'est trop bon !

Matsuo rit avant de se mettre à manger à son tour.

- Tu prépares le petit déjeuner à toutes les personnes avec qui tu couches ? demanda Hinata avec amusement, entre deux bouchées de pancake.
- Juste aux personnes que j'apprécie le plus.
- T'es doué, toi.

Ils continuèrent à manger en discutant de tout et de rien. Une fois leur repas terminé, ils se réinstallèrent confortablement au fond du lit.

- Au fait, je viens d'y repenser mais t'étais bizarre hier au café quand je suis passé, dit alors Matsuo.
- Comment ça bizarre ?

Hinata préférait feindre l'ignorance. Avec un peu de chance, cela suffirait pour changer de sujet.

- Je sais pas... T'avais pas l'air à l'aise. C'est à cause du nouveau gars avec qui tu bosses ? Tu l'as regardé deux, trois fois quand on parlait.

Feindre l'ignorance ne suffirait pas. Il ne s'était même pas rendu compte que, nerveux, il avait jeté des coups d'œil à Kageyama pendant sa conversation avec Matsuo. Ceci dit, il n'avait aucune envie d'expliquer la situation, de parler de Kageyama et de sa blessure. Cela allait à l'encontre même de l'effet qu'était censé avoir Matsuo sur lui.
Et puis, que pouvait-il bien lui dire ? Il aurait pu lui dire que Kageyama et lui avaient été coéquipiers au lycée, qu'ils étaient devenus proches au point où ils s'étaient embrassés, au point où Hinata avait réalisé combien il aimait Kageyama, d'un amour qui semblait alors sans limites. Il aurait pu lui dire qu'il s'était gravement blessé de manière idiote pendant un match sans importance, alors qu'il débutait à peine sa vie à l'université. Il aurait pu lui dire qu'après cela, Kageyama avait complètement disparu de sa vie sans explications, ne laissant en lui qu'un cœur brisé. Il aurait pu lui parler de la période sombre qui avait suivi, où son amour pour Kageyama et le volley s'était transformé en une haine féroce qui avait englouti toute trace de lumière sur son passage. Il aurait pu raconter sa lente guérison et comment Kageyama avait fini par revenir chambouler sa nouvelle vie, quelques semaines plus tôt.
Oui, Hinata aurait pu dire tout cela. Mais c'était son histoire à lui et rien qu'à lui, et il n'avait aucune envie de la partager. Ni avec Matsuo, ni avec qui que ce soit d'autre. Il n'avait réussi à la partager en détails qu'une fois d'ailleurs, et c'était en thérapie. Cela avait été bien trop douloureux pour qu'il ait envie de revivre l'expérience.
Alors Hinata se dit qu'un petit mensonge par omission était une bien meilleure solution, pour lui comme pour Matsuo.