DERNIER SET

CHAPITRE 75 : RIEN N'A CHANGÉ

Trois jours séparaient l'équipe japonaise des quarts de finale. Kageyama avait du mal à penser à autre chose en cette journée morne et pluvieuse. Il s'impatientait déjà alors qu'ils n'avaient joué les huitièmes que la veille au soir. Généralement, il avait hâte d'arriver à un match mais là c'était un peu différent. Il se sentait fébrile et une certaine nervosité semblait peu à peu s'emparer de lui, si bien qu'il passait la journée à s'entraîner alors que le coach leur avait recommandé de bien se reposer.
Il ne pouvait pas s'en empêcher, le volley semblait être l'unique chose qui pouvait apaiser le chaos qui régnait dans son esprit. Il n'y avait que le volley pour l'aider à oublier ce stress qui montait, cette sensation de plus en plus étouffante que quelque chose n'était pas à sa place. Plus il avançait dans cette compétition, plus il le ressentait. Il essayait de se dire que ce n'était qu'un petit manque de confiance en lui et de ne plus y penser, mais le malaise persistait.
Il se réconfortait à la pensée qu'au moins lors d'un match, il était capable de rester concentré. À peu près. Il avait bien joué mais n'avait pas pu empêcher son regard de s'attarder deux ou trois fois sur ces satanés sièges vides. À croire que l'absence de Hinata le perturbait autant que sa présence.
Alors que ce fait imprégnait son esprit, de rage, Kageyama jeta violemment à ses pieds le ballon de volley qu'il tenait entre les mains. Et merde. Voilà ce qu'il pensait. Il ne s'en sortait pas. Rien ne se passait comme il le voulait. Certes, il jouait un peu mieux. Mais il ne se sentait pas mieux. Il était toujours aussi criblé par le doute. Couper les ponts avec Hinata ne l'avait pas libéré. Il était toujours prisonnier du chaos de son propre esprit. Et merde.
Kageyama se laissa tomber assis sur le parquet du gymnase silencieux. Cela faisait des mois qu'il avançait sans savoir où il allait. Retrouver Hinata après toutes ces années avait été aussi merveilleux que terrifiant. Et il était plus que fatigué d'être terrifié, de ne pas savoir, de douter de lui et de toutes ses décisions. Il se laissa tomber sur le dos, les yeux maintenant rivés sur le haut plafond du gymnase. Et merde. Il était en train de toucher le fond. Le retour de flammes de sa propre décision ne lui faisait aucun cadeau. Renoncer à Hinata, malgré les innombrables bonnes raisons qu'il avait trouvées, était douloureux. D'autant plus douloureux que c'était la deuxième fois. Une larme brûlante roula sur sa tempe.
Il était rare qu'il l'admette, mais Kageyama avait besoin d'une oreille amicale. Et peut-être même de conseils avisés. Quoi qu'il en soit, il fallait qu'il parle à quelqu'un, même lui ne pouvait le nier. Deux options se dessinaient à lui. Il devinait sans trop de difficultés quel genre de conseils il pourrait avoir selon vers qui il se dirigeait. Maintenant, c'était à lui de choisir ce dont il voulait être convaincu.
Kageyama resta encore un moment allongé ainsi, sans pouvoir vraiment en estimer la durée. Quand enfin il se leva, il passa rapidement par sa chambre pour se doucher puis marcha d'un pas déterminé vers une autre chambre. Il avait besoin de parler et il savait même ce qu'il avait besoin d'entendre. Il avait fait son choix. Il s'arrêta devant la porte et frappa sans hésitation. Quelques secondes plus tard, Daisuke apparut devant lui.

- Salut Kageyama. Qu'est-ce que tu fais là ?
- Je te dérange pas ?
- Non vas-y, entre, dit Daisuke d'un air un peu perplexe.

Il s'effaça de l'encadrement de la porte pour laisser Kageyama entrer dans sa chambre puis referma derrière lui. Il s'installa en tailleur sur son lit et montra d'un signe de la main un fauteuil juste à côté pour inviter Kageyama à s'y asseoir.

- Merci.
- Qu'est-ce que t'as, mec ? demanda Daisuke, le front plissé par l'inquiétude. Tu me fais flipper.
- C'est bon stresse pas, tout va bien, marmonna Kageyama en s'avachissant sur le fauteuil d'un air plus dépité que jamais.
- Ton visage dit clairement le contraire.

Kageyama fixa un instant Daisuke en silence puis soupira.

- Oui, je m'en doute.
- ... J'imagine qu'on n'a toujours pas changé de disque ?
- C'est-à-dire ?
- Hinata est toujours la source de tes problèmes ?