CHAPITRE 66 : ENTRETIEN

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Quand Hinata sortit de l'université, le soleil avait déjà passé son zénith depuis plus longtemps qu'il ne l'aurait cru, si bien qu'il se mit à questionner l'intérêt d'aller ouvrir son café malgré tout. Il n'était pas franchement motivé et il estimait qu'il avait bien mérité de souffler un peu après l'angoisse à laquelle il avait été confronté tout au long de la matinée. C'est ainsi qu'en sortant du métro, au lieu de prendre son trajet habituel vers le café, Hinata s'éloigna dans la direction opposée.
Un moment plus tard, il poussa la porte d'un bar qu'il commençait à bien connaître. Étant donné l'après-midi resplendissante, celui-ci était presque désert, ce qui n'empêcha pas Hinata d'aller s'installer gaiement au comptoir. Rapidement, une jeune femme aux longs cheveux bruns noués en queue de cheval apparut.

- J'y crois pas, la calamité est de retour ! s'exclama-t-elle joyeusement en venant s'accouder en face de Hinata.
- Je suis ravi de voir que je marque les esprits, répliqua celui-ci d'un ton ironique sans pouvoir s'empêcher de sourire à la barmaid, plutôt satisfait de la croiser une nouvelle fois.
- Il est encore tôt pour boire, dis donc. Je te sers quoi ?
- Un café allongé.
- Sage décision.

Elle le servit sans attendre puis l'observa d'un air suspicieux. Hinata se cacha derrière sa tasse et fit mine de ne rien remarquer. Il avait eu envie de revenir dans ce bar parce qu'il trouvait la barmaid particulièrement sympathique mais maintenant qu'il y était, il devait admettre que l'idée d'être bombardé de questions ne l'emballait pas tellement.

- T'as l'air fatigué. Des ennuis avec ton mec ? demanda-t-elle avec un amusement évident.
- C'est pas mon mec.
- Chipote pas.
- De toute façon, ça n'a rien à voir. J'ai juste pas beaucoup dormi. J'étais stressé.
- À cause de ton mec ? insista la jeune femme en pouffant de rire.

Hinata fixa la barmaid un instant, complètement dépité. Elle était aussi insistante qu'Amaya et en se remémorant les mots salés qu'elle lui avait balancés à la figure la dernière fois, il se dit qu'elle était aussi dédaigneuse que Kenma. Il réalisa alors avec effarement qu'il avait en face de lui un mélange des pires côtés de ses meilleurs amis concentrés en une personne. Il ne pouvait décemment pas la laisser gagner du terrain.

- Rien à voir avec lui ! J'avais un entretien aujourd'hui en fin de matinée.
- Un entretien ?

Très succinctement, Hinata lui résuma son parcours sportif et la formation qu'il espérait intégrer.

- Ça a l'air super ! Alors, comment s'est passé l'entretien ?

Hinata baissa les yeux vers sa tasse de café et regretta quelque peu de ne pas avoir pris une boisson plus forte. Il ne s'était pourtant pas franchement raté, mais il était bien incapable de dire s'il avait réussi. Les deux hommes qui l'avaient accueilli ne l'avaient pas vraiment mis à l'aise et n'avaient pas montré grand-chose de positif.
Lorsque Hinata était arrivé au bon étage du bon bâtiment au sein de l'université – après une recherche plutôt agaçante, on l'avait invité à attendre dans un grand couloir guère peu engageant. Après un moment d'attente qui lui avait paru interminable, l'une des portes s'était ouverte et l'un des deux examinateurs l'avait invité à entrer sans la moindre chaleur. La boule au ventre, Hinata l'avait suivi.
Il s'était avéré que son collègue était aussi aimable que lui mais qu'au moins, ni l'un ni l'autre ne se montraient désagréables. Ils étaient tout simplement d'une neutralité absolue, si bien que Hinata n'avait pas pu deviner un seul instant ce qu'ils avaient pensé de ce qu'il avait raconté.
L'entretien avait commencé de manière classique et Hinata s'était ainsi présenté et avait parlé de son parcours. Rapidement, l'un des deux hommes l'avait questionné sur sa blessure, sur la raison pour laquelle il avait quitté l'université puis n'avait plus rien fait en rapport avec le volley ensuite. À cet instant, Hinata s'était vraiment senti en difficulté. Ce n'était jamais facile pour lui de parler de cette période, et cela n'avait été que plus compliqué dans ce cadre angoissant.
Il avait pris une seconde pour se calmer et avait repensé aux conseils de Kageyama. Ce dernier lui avait dit de se montrer honnête sans forcément entrer dans les détails et lui avait rappelé qu'il n'avait pas à avoir honte de son parcours. Hinata avait alors expliqué que l'arrêt précoce de sa carrière professionnelle avait été très difficile à vivre et qu'il avait dû prendre du temps pour lui pour se reconstruire physiquement et mentalement. Pour justifier ensuite sa reconversion en tant que gérant de café, il avait parlé du besoin d'un environnement calme qui lui permettait malgré tout de garder du contact humain, ce qui était toujours mieux que d'admettre que cela avait été un choix hasardeux.
Après cela, il y avait eu une série de questions un peu techniques sur le volley et il se demandait s'il avait été capable de répondre correctement à chaque fois. En revanche, son argumentation concernant le choix de leur université et de leur formation lui avait semblé plutôt solide – il faut dire qu'il s'était bien préparé en amont à faire du zèle.
Pour conclure cet entretien qui lui semblait avoir été mené par deux robots, ces derniers l'avaient questionné sur la manière dont il voyait son avenir, sur ses objectifs dans la vie, sur ce qu'il attendait de la formation. Là encore, Hinata avait eu une petite montée de panique qu'il avait contrôlée aussi bien qu'il avait pu et après un silence de quelques secondes, il s'était contenté de se fier à son instinct et s'était simplement mis à parler.
Il avait été sincère et avait admis avoir encore des difficultés à se projeter dans le futur, à savoir réellement ce qu'il voulait faire de sa vie. Puis il avait repensé à ces sélections à Amsterdam et avait tout simplement dit qu'il était persuadé que retrouver le contact avec le volley l'épanouirait. Il s'était légèrement emballé et avait parlé de la joie qu'il avait ressentie en remettant les pieds sur un terrain et en reprenant un ballon entre ses mains. Il avait conclu en disant que même s'il n'avait pas toutes les réponses, il sentait qu'il était sur la bonne voie, que coacher le rendrait heureux et qu'il espérait avoir la chance d'intégrer la formation pour enfin se trouver lui-même. Il ne savait pas s'il pensait totalement ce qu'il avait dit mais quoi qu'il en soit, ce n'était pas entièrement un mensonge. Et malgré tous ces jolis mots porteurs d'espoir, il n'avait pas eu le moindre signe encourageant de la part de ses examinateurs, si bien qu'il ne pouvait s'empêcher de douter de lui.

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