39. Henry ou la collection de mômes

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Henry pansait un cheval déjà propre depuis une bonne dizaine de minutes, innocemment installé au plus près de l'entrée du domaine. Il s'était placé de telle sorte qu'il avait une vue plongeante sur la barrière et pouvait donc voir tous les nouveaux arrivants.

Qui attendait-il, Henry le bougon, en cette matinée de la fin du mois d'août ? La veille, Isabel lui avait dit qu'elle voulait traîner au domaine son ami dont il avait oublié le nom, le petit mioche qu'il avait croisé sur le Chemin de Traverse. Le voisin d'Isabel, son ami aussi, apparemment, même s'ils avaient l'air de s'engueuler tous les quatre matins, et également le petit frère de la fille avec qui Lloyd sortait – ou était sorti ? Henry n'aurait su dire –, celle-là même qui était arrêtée pour trafic illégal. Pétard, c'était bien compliqué.

Un souffle de vent tira Henry de ses pensées. Un balai venait d'atterrir brutalement à quelques mètres de lui, et les deux ados qu'il transportait furent projetés vers l'avant, manquant de tomber à la renverse.

« Toujours aussi peu doué, commenta Isabel en sautant légèrement à terre comme s'il ne s'était rien passé.

-De rien pour le transport, c'était gratuit, répondit du tac au tac le garçon brun qui l'accompagnait. Rappelle-moi, je t'ai fait gagner combien de temps de trajet ? Deux heures ? Faudra que je pense à t'envoyer la facture.

-Une heure et demie seulement ! » protesta Isabel, rouge écrevisse, provoquant le ricanement du garçon.

Henry décida qu'il était temps d'intervenir.

« Les mômes, attention à ce que vous dîtes, je suis là, lança-t-il d'un ton maussade.

-Oh, bonjour Henry ! le salua Isabel avec entrain. Vous allez bien ? Je vous présente Alban, mon voisin. Il n'a pas l'air comme ça, mais il est sympathique.

-Et il n'a pas l'air comme ça, mais je suis sûr qu'il sait parler, rétorqua Henry. Salut, le môme.

-Bonjour, répondit poliment le garçon.

-Il sait parler, conclut Henry. Bon, le môme, si la gamine t'a ramené ici, c'est sûrement pas pour que tu chômes. Tu as déjà travaillé avec des chevaux ?

-Pas vraiment. En fait, je suis là seulement pour faire plaisir à l'autre brune, là-bas. »

Un comique, celui-là. Henry se surprit à avoir envie de le taquiner. Depuis quand aimait-il avoir une quelconque interaction avec les êtres humains, lui ?

« Bon, et tu sais faire quoi ? A propos, t'es bien un sorcier, tu as des pouvoirs ? voulut savoir Henry. Parce que je me suis déjà fait arnaquer une fois ... ajouta-t-il avec un geste en direction d'Isabel qui eut la décence de la fermer.

-Je suis prêt à vous arnaquer sur beaucoup de choses, mais pas sur ça, répliqua le môme.

-Evite quand même. Bon, je t'affecte au pansage des chevaux et nettoyage des stalles. Ta copine te montrera. Et si t'es pas content, tu peux partir.

-Ramasser du crottin de cheval a toujours été ma passion », rétorqua Alban avec son petit ton insolent.

Henry décida de l'engueuler plus tard. Là tout de suite, il avait la flemme.

Et puis bon, plus tard, les Ethonans et les autres employés du domaine le maintinrent occupé jusqu'au soir. L'heure était déjà bien avancée lorsqu'Isabel, qui venait de finir de cirer une quantité impressionnante de selles et avait les mains noires comme de la suie – Henry lui réservait les pires tâches pour ses deux semaines de punition avant son embauche définitive – s'écria :

« Hé, les gars ! Ça vous dit de dîner tous ensemble ici ?

-Hein ? dit Nathaniel, l'un des deux moniteurs.

Les Porte-à-fauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant