20. Alban ou le vide

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La session de rattrapage des B.U.S.E. était dans quatre jours, et Alban était étonnamment prêt. Jamais il n'aurait pensé se sentir si confiant à l'approche d'examens, mais c'était bien le cas. Il avait énormément travaillé au cours des deux semaines passées, il avait fait des progrès. Et il devait bien l'avouer, Isabel était en grande partie responsable de ce changement.

La jeune fille avait débordé d'imagination pour inventer toutes sortes d'exercices plus fantasques les uns que les autres, mais résolument utiles. Alban maîtrisait désormais les sortilèges de Lévitation et de Mutisme à la perfection, il savait reconnaître une gousse de Snargalouf et dire dans quelles conditions elle se développait le mieux, il avait pratiqué un nombre assez incroyable de contre-maléfices et de sorts de défense, et surtout, il avait pu profiter de l'incroyable culture d'Isabel en ce qui concernait les animaux fantastiques. L'esprit logique d'Alban n'arrivait pas à l'admettre, mais elle était bien plus calée dans ce domaine que nombre de sorciers de sa connaissance.

Honnêtement, il ne savait pas pourquoi Isabel faisait cela. Elle avait passé des heures à expliquer patiemment au jeune homme les propriétés des plantes et des bêtes ou à lui faire réciter ses cours, alors même qu'elle passait ses journées à travailler. Et le pire, c'était qu'elle semblait manifester bien plus d'enthousiasme qu'Alban pour ces révisions.

Ce jour-là, les deux adolescents avaient décidé de faire une potion magique. En effet, si les épreuves de rattrapage des B.U.S.E. étaient plus courtes que celles de la session de juin, elles comportaient tout de même la préparation d'une potion. Alban ne s'en sortait généralement pas trop mal, mais son T lui avait fait reconsidérer le problème.

Bref, toujours était-il qu'ils avaient décidé de fabriquer une Solution Elastique, qui permettait de rendre la texture de n'importe quel objet qu'on y plongeait extrêmement souple et étirable. Elle ne fonctionnait cependant pas avec de la matière organique et Alban ne pouvait s'empêcher d'en être soulagé, car il pouvait mettre sa main à couper que si tel n'avait pas été le cas, Isabel l'aurait forcé à en boire.

Ils se trouvaient dans la chambre de la jeune fille, qu'ils avaient verrouillée pour avoir la paix – la grand-mère était dans le coin. Isabel s'était assise sur son lit, trois grimoires ouverts autour d'elle pour comparer les différentes recettes proposées, tandis qu'Alban avait allumé un feu magique sous son chaudron.

« Je persiste à croire que c'est une mauvaise idée », intervint le miroir de sa voix aiguë.

Alban sursauta. Il avait beau être au courant, il n'arrivait pas à s'habituer à l'étrange vitalité des objets de la maison des Emerson, toute caractéristique des sorciers méditerranéens.

« Je ne pense pas qu'on t'ait demandé ton avis, lança-t-il d'un ton sans réplique.

-Ignore-le, c'est la seule façon de le faire taire, conseilla Isabel tandis que son reflet dans le miroir ouvrait la bouche d'un air outré. Bon, ça avance ton truc ?

-Ça va. Là je dois le laisser mijoter encore dix minutes. En revanche ça s'est vachement éclairci, c'est normal ?

-Tu devrais le savoir ...

-Arrête de faire ça, lâcha Alban en levant les yeux au ciel. D'abord on avait dit qu'on la faisait ensemble, cette potion, et ensuite je sais très bien que tu connais la réponse. »

Son ton avait été sec et peu amène, mais un large sourire illumina le visage d'Isabel. Tandis qu'elle replaçait une mèche de cheveux derrière son oreille, tout sourire, Alban eut une illumination. Il comprenait pourquoi sa voisine l'aidait avec tant d'acharnement : elle aimait la magie, elle qui en était dépourvue. Elle aimait faire partie du monde magique, dans lequel elle était née, après tout.

Les Porte-à-fauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant