Concentrée sur le parchemin qui s'étendait sur son bureau, Isabel relut les notes qu'elle avait prises au cours de la dernière heure. Une tasse de thé, complétement gelée à présent, était posée à côté d'elle – elle avait totalement oublié son existence. Elle fronça les sourcils en lisant la dernière ligne et mordilla l'un de ses ongles, le cerveau en ébullition.
Elle était si absorbée par sa tâche qu'elle n'entendit même pas le pas décidé qui montait l'escalier, et pourtant elle était entraînée à le reconnaître. En réalité, elle ne s'aperçut pas que sa mère se trouvait à une distance critique avant que cette dernière ne poussât la porte de sa chambre sans frapper.
De solides réflexes permirent à Isabel de ne pas se jeter sur ses papiers pour les cacher, ce qui serait revenu à avouer directement à sa mère qu'elle lui cachait des choses. Elle parvint à se contrôler et se contenta de relever la tête pour regarder Eugenia d'un air neutre.
« Isabel, s'exclama celle-ci, tu n'aurais pas vu ta grand-mère ?
-Euh ... non. Elle n'est pas dans le salon ?
-Non. Ni dans sa chambre, ni nulle part dans la maison ou dans le jardin.
-Bah je sais pas ... enfin, elle a pas pu aller très loin, de toute façon. »
Eugenia se contenta de hausser les épaules, puis elle se pencha dans le couloir pour intercepter Victoria qui passait là.
« Victoria ! Tu sais où est la abuela ?
-Non, pourquoi ? dit la rouquine en entrant à son tour dans la chambre.
-Elle n'est nulle part, répondit Isabel.
-Trop bizarre ... elle n'a pas pu sortir, quand même ?
-C'est ce que je me demande, intervint Eugenia, mais où serait-elle allée ? Elle ne sort jamais.
-Elle est peut-être allée faire une course, ou voir une amie.
-Elle n'a pas d'amis ici, la contredit Eugenia.
-Quand même, s'exclama Victoria, on va aller voir en-dehors de la maison. Au Chemin de Traverse, au village ... »
Eugenia haussa un sourcil, surprise de cet élan de générosité de la part d'un de ses enfants, mais prit rapidement les choses en main.
« Très bien. Va fouiller le Chemin de Traverse et emmène ta sœur avec toi, ordonna-t-elle une fois l'instant d'étonnement passé. Moi, je vais aller voir chez les gens qu'on connaît.
-Et on peut demander à Papa et Edgar de chercher dans les environs », cria Victoria alors que sa mère quittait déjà la pièce.
Isabel pinça les lèvres à la mention de son père, mais eut la jugeote de se taire. Elle lui en voulait encore d'avoir vu que Grace était sur une mauvaise pente et de n'avoir rien fait. Elle lui parlait à peine depuis le jour du procès, et n'avait pas l'intention de recommencer un jour. Deux défauts la faisaient particulièrement sortir de ses gonds, le manque d'intelligence et la passivité.
Mais deux heures plus tard, l'abuela n'était pas réapparue. Ils avaient fouillé tout le voisinage, transplané dans les principaux lieux de réunion de sorciers du pays, et rien. Edgar avait même émis l'hypothèse qu'elle se fût rendue dans son pays d'origine, l'Espagne, mais il était impossible de transplaner si loin. Isabel avait beau être encore vaillante malgré son âge, elle n'en aurait pas été capable.
Un pli barrait le front d'Eugenia tandis qu'elle arpentait le salon, dans lequel toute la famille s'était réunie en silence. Isabel commençait sérieusement à s'inquiéter, à présent. Elle n'éprouvait pas particulièrement d'affection pour sa grand-mère, qui lui menait la vie dure, mais la vieille dame faisait tout de même partie de sa famille. Bon sang, où avait-elle bien pu se fourrer ? En plus, elle n'était pas toute jeune ... s'il lui était arrivé quelque chose ...
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Les Porte-à-faux
FanfictionLa lettre qu'ouvrit Henry Eldridge par un innocent matin de juillet semblable à mille autres, ne le prévenait décidément pas de ce qui allait suivre. Le vieux sorcier de cinquante-cinq ans, éleveur de chevaux magiques, rencontre Isabel, dix-sept ans...