23. Alban ou les cris

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Le visage livide de Mae sur des draps d'hôpital qui paraissaient colorés en comparaison.

« Ohé, vous m'écoutez ? »

La salle d'examens de Poudlard dédiée aux rattrapages des B.U.S.E. Oui, c'était là qu'Alban se trouvait. Des pupitres avaient été entassés dans un coin afin de laisser de l'espace pour que les candidats puissent pratiquer la magie, et une pile d'objets en tout genre attendaient d'être ensorcelés. De l'autre côté d'une table en bois, un examinateur impatienté agitait sa baguette.

« Dites, vous êtes complétement à l'ouest depuis le début ... je me doute bien que vous préféreriez être ailleurs au mois d'août, mais mettez-y un peu du vôtre et vous serez débarrassé. »

Alban ne se donna pas la peine de faire un geste indiquant qu'il avait entendu. Le sorcier leva les yeux au ciel et lança sèchement :

« Comme vous le savez peut-être déjà, vous passerez toutes les épreuves à la suite, sur une format réduit, avec un seul examinateur, en l'occurrence moi-même. Puisqu'il s'agit d'un rattrapage, vous ne pouvez avoir au mieux que la note « acceptable ». Allez, on commence par les sortilèges. Prenez cette fourchette, et faites-la léviter. Puis faites-lui faire trois tours à la suite. »

La pirouette dans les airs. Isabel l'avait entraîné à cela un milliard de fois. Qu'est-ce qu'elle avait dit, déjà ? Imagine-toi qu'on est ensemble, dans la forêt, comme s'il n'y avait personne qui te regarde. Ou un truc du genre. Il n'arrivait plus à se souvenir. C'était loin, trop loin ...

« Wingardium leviosa ! »

La fourchette fut prise de soubresauts et s'éleva lentement, de façon saccadée. Qu'est-ce qu'il fallait faire, maintenant, déjà ? La pirouette, la pirouette ... Mais putain, il n'y arrivait jamais, à faire cette maudite pirouette ! A quoi ça servait de s'obstiner ? Qu'on regarde les choses en face, à la fin, non, il n'y arrivait pas, il n'y était jamais arrivé et il n'y arriverait jamais ! Il était nul, c'était trop compliqué à comprendre ou quoi ?

Et cette voix dans sa tête, cette voix qui ressemblait tant à celle d'Isabel ! Qu'elle se taise à la fin ! Elle l'énervait, sa voisine, elle l'énervait parce qu'il n'y arrivait pas, qu'elle arrête de croire en lui et qu'elle le laisse avec sa nullité, merde ! Pourquoi elle s'obstinait ? Non, il n'avait pas « du potentiel » et un « simple problème de confiance en toi » ! Non, ce n'était pas ça, il fallait qu'on arrête de le croire meilleur qu'il n'était, et qu'on lui foute la paix !

La fourchette tomba à terre dans un grand fracas métallique. Les doigts d'Alban se crispèrent sur sa baguette.

« Bon, soupira l'examinateur. Ce n'est pas grave, mais je propose qu'on laisse là les sortilèges. On va passer à une autre matière. Botanique. L'épreuve est très simple, vous avez un sac, ici, qui contient des graines de Ponx. Je ne vous donne aucune indication, vous devez simplement m'en prélever une livre et demie puis les ouvrir. Vous avez une balance à votre disposition derrière vous. »

Graines de Ponx. Ils en avaient parlé, avec Isabel, il en était certain. En même temps, sa folle de voisine lui avait parlé de tellement de plantes qu'il était statistiquement impossible que l'examinateur lui posât des questions sur quelque chose qu'ils n'avaient pas évoqué, mais il y avait quelque chose de particulier avec les graines de Ponx. Isabel lui avait raconté une histoire, mais quoi déjà ?

Allez, Alban, réfléchis, par la barbe de Merlin. C'est pas compliqué. Tu ne sais pas te servir de ta baguette mais tu as un cerveau. Allez, allez, trouve. Mais trouve ! Trouve, bordel ! C'est quoi, déjà ? Mais allez ! Tu as passé un mois à te taper ton emmerdeuse de voisine, comment ça se fait que tu n'arrives pas à te souvenir ? Mais merde ! Non, bien sûr que non, ça n'allait pas revenir, ça n'allait pas revenir parce qu'Alban avait peut-être un cerveau mais celui-ci était purement décoratif.

Les Porte-à-fauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant