Le café était sucré, très sucré, trop sûrement, mais les considérations diététiques n'étaient actuellement pas au cœur des préoccupations de Grace. Elle rajouta un sachet de sucre dans sa tasse, froissa le papier entre ses doigts et plongea sa cuillère dans le liquide noir.
Jake lui attrapa la main et la força à le regarder.
« Grace, raconte-moi, souffla-t-il. Je sens que tu ne vas pas bien, mais je ne peux pas t'aider si tu ne me dis pas ce qui se passe. »
La jeune femme prit son temps pour boire sa première gorgée de café. Elle se sentait harassée. Les gestes les plus simples, comme attraper sa tasse ou croiser les jambes, l'épuisaient. Ce constat lui fit pitié, et elle aurait souri avec commisération devant son manque d'énergie, si elle en avait eu la force.
« C'est ma mère », finit-elle par dire.
Jake ne dit rien, ne fit pas un mouvement, lui laissant autant de temps et d'espace qu'elle avait besoin pour parler. Grace se sentit prise d'une vague d'amour et de tendresse pour lui.
« Je t'ai dit qu'elle était malade, reprit-elle. Eh bien, il y a deux jours, son état a empiré. Elle a été hospitalisée d'urgence, elle m'a fait tellement peur ... »
Grace ne put retenir le tremblement qui secoua tout son être. Jake lui serra la main avec encore plus de force.
« Mais elle va mieux maintenant, Grace, elle va mieux. »
La jeune femme secoua la tête, un sanglot coincé en travers de la gorge.
« Ça ne veut rien dire ... c'est une maladie dégénérative, tu comprends ? Elle ne pourra jamais aller mieux ... et les médecins nous ont dit hier qu'il ne lui restait plus qu'un mois. »
Jake se leva de sa chaise et fit le tour de la table pour venir prendre Grace dans ses bras. Celle-ci pleurait franchement, à présent.
« Un mois, tu te rends compte, Jake ? Un mois ... Quand Alban retournera à l'école en septembre, elle ne sera plus là. »
Jake ne disait rien, se contentant de caresser doucement le dos de sa petite amie.
« Et pour Alban, c'est tellement horrible ... Si maman est toujours ... toujours vivante quand il fera sa rentrée, il devra partir sans savoir s'il la reverra ! Comment il peut l'accepter, Jake ? Comment il peut l'accepter ? »
Elle pleurait désormais sans verser de larmes. Tout avait déjà coulé durant les derniers jours, il ne lui restait plus assez de liquide dans le corps pour produire autre chose que des sanglots muets, des spasmes où tout son visage se contractait mais où ses yeux restaient secs.
« Et Alban ... je ne sais pas ce qu'il a en ce moment, il est si bizarre ! Il n'a jamais été un grand bavard mais là il ne parle plus du tout, il est tout le temps enfermé dans sa chambre, tout seul ... et il refuse d'aller faire des visites à maman, alors que c'est maintenant ou jamais !
-Grace, murmura Jake, tout le monde n'exprime pas son chagrin de la même façon.
-Oui, mais là ... elle ne peut pas partir sans que son fils lui ait dit au revoir !
-Il ira la voir, ne t'en fais pas.
-Tu crois vraiment ?
-Oui. Mais laisse-lui du temps. Ça demande du courage, tu sais, ce n'est pas facile. Ça demande un sacré courage. »
Il caressa avec délicatesse les joues de Grace, qui se laissa aller en fermant les yeux. Qu'est-ce qu'elle l'aimait, son Jake.
« Mais il y a autre chose, n'est-ce pas ? reprit soudainement le jeune homme. Il y a autre chose qui te pèse, que tu n'as dit à personne ... »
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Les Porte-à-faux
FanfictionLa lettre qu'ouvrit Henry Eldridge par un innocent matin de juillet semblable à mille autres, ne le prévenait décidément pas de ce qui allait suivre. Le vieux sorcier de cinquante-cinq ans, éleveur de chevaux magiques, rencontre Isabel, dix-sept ans...